Lemelin, Roger, 1919-1992 : Roger Lemelin est né à Québec le 7 avril 1919, dans le quartier ouvrier de Saint-Sauveur au bas de la côte dite « la pente douce ». Fils de Joseph Lemelin et de Florida Dumontier, il est le deuxième d'une famille de dix garçons et une fille. Il fréquente l'École Saint Joseph jusqu'en huitième année puis travaille pour un marchand de fruits et de légumes au marché Saint-Pierre tout en se payant quelques cours à l'Académie commerciale de Québec. À dix-sept ans, il est terrassé par un accident de ski qui le forcera à marcher avec des béquilles pendant près de huit ans. Grâce à Jean-Charles Bonefant, voisin de la maison familiale, Roger Lemelin a accès à la Bibliothèque du parlement de Québec et entreprend des études d'autodidacte. C'est à cette époque que son père lui offre une machine à écrire "Underwood" sur laquelle il dactylographiera toutes ses oeuvres. Le 27 octobre 1945 Roger Lemelin épouse Valéda Lavigueur avec qui il aura cinq enfants. Il meurt à Québec, le 16 mars 1992.
Roger Lemelin a mené une carrière d'écrivain, d'homme d'affaires et de journaliste. En 1940, il se joint à l'équipe de la revue littéraire "Regards" dirigée par André Giroux. Il travaille ensuite comme comptable et sténographe dans une compagnie forestière : la "South Shore Forest Products". Il consacre alors tous ses temps libres à la rédaction d'un premier roman "Les Grimpeurs" qu'il présente au Prix David en 1942, peu avant de subir une greffe à la cheville. Cette année là, le prix David est décerné à Ringuet pour "Trente Arpents" mais un des jurés, Albert Pelletier, offre à Lemelin de l'aider a retravailler le style et la forme de l'ouvrage qui sera finalement publié en 1944 sous le titre d'"Au pied de la pente douce" (Prix David, Prix de la Langue Française et Bourse Guggenheim en 1946; Bourse Rockefeller en 1947).
Au début des années quarante, Roger Lemelin fait ses débuts à la radio de Radio-Canada où il livre de nombreuses causeries consacrées aux manifestations littéraires et artistiques du Canada français. Il y présente aussi "La Butte aux moineaux", un radio-roman mettant en vedette les personnages d'"Au pied de la pente douce". De 1944 à 1952 Roger Lemelin est journaliste correspondant au Québec pour les hebdomadaires américains "Time" et "Life" et pour le magazine "Fortune". Il collabore également à la revue "Amérique française" et à la revue parisienne "Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques". En 1948 il publie son second roman, "Les Plouffe", grâce auquel il devient membre de la Société royale du Canada, puis en 1949, un recueil de nouvelles : "Fantaisies sur les péchés capitaux". En 1952, son roman "Pierre le magnifique" obtient le Grand prix de Paris et son film "L'Homme aux oiseaux" remporte le Prix du meilleur court métrage au Canada.
La même année, il donne vie à ses personnages dans "La Famille Plouffe", un radio-roman qui gardera l'antenne de la radio CBF jusqu'en 1955 avant d'être repris à CKVL de 1961 à 1967. En 1953, il crée la série télévisée hebdomadaire "La Famille Plouffe" (Meilleur auteur pour la télévision et Trophée Liberty en 1955). Suivront les émissions "En Haut de la Pente douce" de 1959 à 1961 et "Le Petit monde du Père Gédéon" de 1962 à 1963.
À la fin des années cinquante et pendant les années soixante, Roger Lemelin délaisse le monde de l'écriture pour se consacrer aux affaires. Il fonde sa propre maison de publicité La Société Dubuisson, et achète la charcuterie Taillefer qui commercialisera les cretons préparés selon la recette du célèbre personnage de Maman Plouffe. Roger Lemelin effectue quelques voyages d'affaires à Paris où il se lie d'amitié avec Hervé Bazin, René d'Uckermann, Armand Lanoux et avec d'autres écrivains français. Il siège au conseil d'administration de plusieurs organismes dont l'Office national du Film et La Solidarité. En 1971 il accompagne la délégation du premier ministre Pierre Elliott Trudeau en URSS et, au retour, publie un long reportage sur ce voyage. En juin 1972 il devient président et éditeur de La Presse, poste qu'il occupera jusqu'en octobre 1981.
En 1979, il publie "Les Voies de l'espérance", un recueil d'essais s'échelonnant sur plus d'un quart de siècle et, en 1980, un recueil de souvenirs : "La Culotte en or". Suivront "Le Crime d'Ovide Plouffe" (roman) en 1982; "Autopsie d'un fumeur" (souvenirs) en 1988; et "Pour faire une longue histoire courte" (entretien) en collaboration avec Victor-Lévy Beaulieu, en 1991.
Entre temps Roger Lemelin travaille avec Gilles Carle au scénario du film "Les Plouffe" réalisé par ce dernier en 1981, ainsi qu'au scénario du film "Le Crime d'Ovide Plouffe" réalisé par Denys Arcand en 1984.
Durant sa carrière Lemelin accumule les prix et les honneurs. En 1965 l'Académie française lui décerne le Prix de la langue française et en 1974 il est admis au sein de l'Académie Goncourt à titre de membre correspondant. En 1976 il reçoit le Prix du Congrès Média pour son apport au journalisme canadien et en 1978 il est élu au Temple de la renommée de la Presse canadienne. Nommé Compagnon de l'Ordre du Canada en 1980, Roger Lemelin est aussi titulaire de doctorats honorifiques de l'Université Laurentienne de Sudbury, de l'Université de Windsor, de l'Université de Sherbrooke, et de l'Université McGill. En 1989 il est accueilli au sein de l'Académie des grands québécois et en 1990 la France le fait Chevalier de la légion d'honneur.
Ouvertement fédéraliste, Roger Lemelin n'en était pas moins nationaliste comme en témoigne cette conclusion d'un éditorial qu'il signait en 1981 : « Ce peuple français du Québec et du Canada a une âme et c'est cette âme-là que nous devons nous astreindre à protéger et à faire grandir. Ainsi, fort et conscients de ce que nous sommes, nous pourrons encaisser toute défaite, monter n'importe qu'elle côte jusqu'à son sommet, où nous apercevrons, éclatante, la lumière de la tolérance et de notre survie. »
Ses romans ont été traduits en anglais, en américain, et en néerlandais, et plusieurs de ses écrits pour les journaux ont été traduits en anglais.