Commission royale sur le désastre marin de l'Ocean Ranger (Canada) : La Commission royale d'enquête sur le désastre marin de l'Ocean Ranger a été créé en vertu du décret du conseil C.P. 577, 18 février 1982, en vertu de la Partie 1 de la Loi sur les enquêtes (S.R.C., 1970, ch. 1-13) et sur la recommandation du premier ministre. L'enquête prit fin en vertu du décret du conseil C.P. 818, 17 mars 1982. Une nouvelle enquête fut instituée par le décret du conseil C.P. 819, 17 mars 1982, en vertu de la Partie 1 de la Loi sur les enquêtes (S.R.C., 1970, ch. 1- 13) et sur la recommandation du premier ministre. A l'origine, le gouvernement du Canada et le gouvernement de Terre-Neuve avaient mis sur pied des commissions royales distinctes pour enquêter sur le naufrage de l'Ocean Ranger. Par la suite, ces enquêtes publiques ont été révoquées et une seule commission d'enquête fédérale-provinciale a été mise sur pied en vertu de la Loi sur les enquêtes publiques de Terre-Neuve, le 16 mars 1982, et en vertu de la Loi fédérale sur les enquêtes (S.R.C., 1970, ch. 1-13), ainsi qu'il a été mentionné plus haut.
La Commission était mandatée pour enquêter et de faire rapport sur: (1) le naufrage de la plate-forme de forage semi-submersible et auto-propulsée Ocean Ranger et la perte de tout son équipage, le 15 février 1982 ou environ, sur le plateau continental du Canada, les raisons et les causes dudit naufrage et, en particulier sur (a) la conception, la construction et la stabilité de l'Ocean Ranger et sur sa capacité à mener des opérations de navigation et de forage sur le plateau continental du Canada; (b) l'inspection, les procédures d'inspection, la délivrance du permis et du certificat de navigabilité de l'Ocean Ranger l'autorisant à mener des opérations de navigation et de forage sur le plateau continental du Canada; (c) tous les aspects de la sécurité de la vie en mer, y compris la qualité et la quantité d'équipement de sauvetage à bord de l'Ocean Ranger et si un tel équipement de sauvetage a été utilisé ou aurait pu l'être; (d) tous les aspects de la santé et de la sécurité au travail touchant les officiers et l'équipage; (e) l'accréditation, la formation et la sécurité des officiers et des membres de l'équipage, et de leurs responsabilités respectives, y compris celles du capitaine et du surintendant responsable du forage à bord de l'Ocean Ranger (f) les mesures de recherche et de sauvetage prises depuis Terre-Neuve et ailleurs; (g) les procédures relatives à la prévention de la pollution par le pétrole et de l'état du trou de forage avant ou au moment de l'accident; (h) les actions ou les omissions du propriétaire, de l'affréteur, de l'exploitant ou de tout entrepreneur à ce sujet; et (i) toute autre question connexe; et (2) faire enquête et rapport sur (a) les pratiques et procédures de navigation et de forage utilisées dans le cadre des opérations de forage sur la plate-forme continentale au large de Terre-Neuve et du Labrador, et sur les questions rapportées en (1.a) à (1.e) dans la mesure où elles concernent les autres installations de forage engagées dans des opérations sur la plate-forme continentale au large de Terre-Neuve et du Labrador; et (b) dans la mesure où cela s'avérerait nécessaire et pertinent, sur les pratiques et les procédures mises en oeuvre dans d'autres opérations de forage au large des côtes orientales du Canada. Les commissaires étaient T. Alexander Hickman, président; Gordon A. Winter, Fintan J. Aylward, Jan Furst, Moses 0. Morgan et N. Bruce Pardy. Le secrétaire était David M. Grenville.
Dans la soirée du 14 février 1982, l'Ocean Ranger, une des plus grandes stations de forage semi-submersibles au monde, affrétée par Mobil Oil Canada Ltd., procédait à l'exploration du plateau Hibernia à environ 170 milles marins à l'est de St. John's (Terre-Neuve). Au cours d'une violente tempête hivernale, le verre d'un des hublots de bâbord de la plate-forme de forage fut brisé par une énorme vague. L'eau de mer s'engouffra dans la salle de contrôle des ballasts vers 19 h 45 ou 20 h, provoquant une panne de courant dans le tableau de contrôle. Occupé à retirer l'eau et le verre de la pièce, l'équipage ne s'est manifestement pas rendu compte de la gravité des effets de l'eau salée sur le fonctionnement du système de contrôle. Vers minuit et demi, le 15 février, quand l'électricité fut rétablie dans la console de contrôle, la plate-forme donna soudainement de la bande, phénomène que les commissaires chargés de faire enquête expliquent par le rétablissement de l'électricité qui a permis à des courts-circuits erratiques dans les micro-contacts d'ouvrir les soupapes correspondantes actionnées à distance. Sachant que la plate-forme avait soudainement donné de la bande à bâbord, les commissaires ont conclu que cette inclinaison avait été causée par l'entrée d'eau de mer dans le ponton de gauche.
A une heure du matin, l'Ocean Ranger appela à l'aide, l'équipage étant dans l'impossibilité de ramener la plate-forme à sa position horizontale. Presque immédiatement le Seaforth Highlander, navire de ravitaillement qui croisait à quelque huit milles de là, mit le cap sur la plate-forme. Simultanément, la situation sur l'Ocean Ranger se dégradait rapidement. La gîte s'intensifiait et à 1 h 09, un signal de détresse fut envoyé. A 1 h 30, l'opérateur radio de l'Ocean Ranger informa la station Mobil de St. John's que l'évacuation de la plateforme avait commencé. Ce fut la dernière communication radio avec l'Ocean Ranger. Le navire de ravitaillement Norderator garda le contact radar avec la plate-forme jusqu'à 3 h. Puis, vers 3 h 15, l'Ocean Ranger chavira et sombra dans l'océan Atlantique. Les 84 membres d'équipage y perdirent la vie. On sait que l'équipage avait évacué la section de forage, mais on ne sait pas exactement comment cette évacuation avait eu lieu. D'après les 22 corps retrouvés, on a pu déterminer que tous s'étaient noyés dans un état d'hypothermie.
Le naufrage de l'Ocean Ranger et de son équipage fit l'objet d'une enquête de la Direction des enquêtes sur les accidents maritimes de Transports Canada. Alex Hickman fut nommé commissaire en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada pour faire enquête sur l'accident. Compte tenu de la gravité de la tragédie et des implications pour les futures opérations de forage au large, le gouvernement du Canada établit également une commission royale sous la direction de Hickman.
Vers la même époque, le gouvernement de Terre-Neuve nomma une commission royale chargée de faire enquête sur le naufrage de la plate-forme. A la suite des pressions du public, les deux gouvernements s'accordèrent pour combiner les deux enquêtes en établissant une commission royale fédérale-provinciale. Elle était chargée d'enquêter sur la disparition de l'Ocean Ranger et de son équipage, et de recommander des mesures visant à améliorer la sécurité et les méthodes de forage au large de la côte est du Canada.
L'Ocean Ranger étant enregistrée aux États-Unis et appartenant à une compagnie américaine, l'Ocean Drilling and Exploration Company (ODECO) de la Nouvelle-Orléans, une commission d'enquête fut également établie aux États-Unis. La garde côtière américaine et le National Transportation Safety Board prirent part à l'enquête. Ils publièrent des rapports séparés qui furent utilisés par la Commission royale d'enquête sur le désastre marin de l'Ocean Ranger. A l'issue de cette dernière enquête, les commissaires conclurent que les causes du naufrage de la plate-forme de forage étaient dues à des déficiences dans la conception de la plate-forme et à des erreurs humaines. Selon le commissaire, tous les incidents et tous les actes qui ont amené le naufrage de l'Ocean Ranger ont résulté soit de déficiences de conception soit de gestes posés par l'équipage lui-même. La catastrophe aurait pu être évitée par des modifications mineures à la structure de la plate-forme et à son système et par une intervention compétente et éclairée de ceux qui s'y trouvaient. A cause de son manque de formation et de l'absence de manuels et d'information technique, l'équipage n'a pas su interrompre l'enchaînement fatal d'incidents qui a mené l'Ocean Ranger à sa perte.
Des mesures presque immédiates furent prises pour améliorer la formation professionnelle et la sécurité dans le cadre des opérations de forage au large. En fait, à l'époque où le premier rapport de la commission a été publié, certaines de ses recommandations avaient déjà été mises en oeuvre. (Voir Premier rapport : La perte de l'installation de forage semi-submersible Ocean Ranger et de son équipage, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1984).
La commission tint ses audiences à St. John's (Terre-Neuve) du 25 octobre 1982 au 22 mars 1984, ainsi que le 5 novembre 1984. Elle reçut 40 mémoires et 321 pièces à conviction.
Au cours de l'enquête, la commission a tenu des réunions avec des représentants de l'industrie, des hauts fonctionnaires du gouvernement, des universitaires, des experts-conseils, des employés d'installations de forage en mer, des institutions de formation professionnelle et des organismes d'intervention d'urgence au Canada, en Europe et aux États-Unis. Collection de l'inventaire général de RG33-136.