Mémoire concernant l'envoi d'espèces au Canada - en 1755, le ministre y a fait passer un fonds d'environ 1 200 000 l. pour le paiement du traitement des troupes de France (montants perdus sur l'Alcide et le Lys); l'année suivante, on a envoyé tant au Canada qu'à l'île Royale pour 1 267 571 d'espèces; Bigot rapporta que les habitants avaient tendance à thésauriser cet argent (extraits de ses lettres): il s'est plaint particulièrement de l'envoi de 1756 qui a fait tomber la monnaie de cartes dans un tel discrédit "qu'il a été obligé, pour la soutenir, de faire savoir dans toute la colonie qu'il ne donnerait de lettres de change sur France qu'aux porteurs de la carte et de papiers de la colonie" (plaintes des officiers militaires contre cette mesure); dans une lettre datée du 1er avril 1755, le ministre autorisait Bigot à tirer des lettres de change pour les dépenses des troupes mais en divisant et éloignant les échéances le plus possible: il attribuait la cherté de la vie à l'immense quantité de papiers répandus dans le public pour les dépenses du roi et affirmait que le plus sûr moyen de faire tomber les prix au Canada serait de faire payer en argent toutes les dépenses pour le compte du roi; ce raisonnement est mauvais: ce n'est point du tout la monnaie de cartes qui renchérit les denrées et marchandises dans la colonie mais les grandes dépenses du roi (qui augmentent les consommations) et l'éloignement des échéances dans le paiement des lettres de change sur France (explications); dans une lettre datée du 8 novembre 1755, Bigot explique que l'envoi d'argent comptant au Canada ne fera point tomber le prix des marchandises et denrées: "c'est l'aisance des habitants de la campagne et la bonne chair que ceux de la ville veulent faire qui sont les causes de cette cherté, le moindre artisan et ouvrier mange ce qu'il y a de meilleur...et l'habitant de la campagne remporte chez lui pour son usage ce qu'il ne peut vendre au marché au prix qu'il s'était proposé; l'ouvrier n'en est pas à la vérité plus riche, au contraire il n'est pas huit jours malade sans être réduit à l'aumône du curé...cette manière de vivre multiplie les consommations et occasionne par conséquent la cherté, ce n'est que depuis les grandes dépenses que le roi fait en Canada qu'on y voit régner cette cherté...quant aux denrées de France, leur cherté n'est occasionnée que par l'éloignement des échéances des lettres (de change) de France qui vont jusqu'à trois ans...l'habitant aura toujours plus à coeur de défendre son pays...quand il envisagera que, s'il était pris par l'ennemi, il perdrait lesdits papiers de caisse et monnaie de cartes qu'il aurait ramassés depuis longtemps".