Tisseyre, Michelle : Michelle Tisseyre est née à Montréal en 1918, fille unique de John G. Ahern (1894-1978), bâtonnier de la province de Québec, originaire de Québec, et petite fille du chirurgien Michael Ahern (1844-1914), doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval. Sa mère, Jeanne Marcil, était la fille de l'Honorable Charles Marcil (1860-1937), président de la Chambre des Communes de 1905 à 1908 et député du comté de Bonaventure de 1900 à 1937. Elle fait ses études au Couvent du Sacré-Coeur de Sault-aux-Récollets, à l'Institut pédagogique de la Congrégation Notre-Dame et à l'Université McGill de Montréal.
Michelle Tisseyre est, pendant plus de vingt-cinq ans (des années 1940 aux années 1970), l'une des personnalités marquantes de la radio et de la télévision de langue française, comme speakerine et animatrice d'émissions d'actualités politiques, culturelles et artistiques. En 1941, elle débute comme speakerine à Radio-Canada. Elle ouvre le poste tôt le matin, en commençant par la lecture du bulletin de nouvelles, et ensuite, elle présente les différentes émissions ainsi que les populaires romans-fleuves. Elle est alors la première femme à donner le grand radio-journal de 15 minutes au réseau français de Radio-Canada, de 1942 à 1944, en alternance avec Miville Couture et le chef des nouvelles, Marcel Ouimet. Son bilinguisme impeccable lui permet également de passer du réseau francophone au réseau anglophone. Lors d'un séjour d'un an au Mexique en 1944, pour fins de convalescence, elle se spécialise dans le reportage et l'interview. Elle obtient la première interview exclusive du président de ce pays, Avila Camacho, première d'une longue série d'interviews, à la radio d'abord, et ensuite à la télévision, avec les grandes vedettes de la scène et du cinéma, de la musique, de la peinture et de la politique. Elle obtient aussi l'unique interview télévisée de Marcel Aymé en 1960.
A son retour du Mexique, elle passe deux ans au Service international de Radio-Canada et participe à l'émission "La voix du Canada", avec René Garneau et René Lévesque. Cette émission sur ondes courtes s'adresse aux troupes outremer canadiennes et au monde francophone privé de nouvelles sous l'occupation allemande.
En 1946, Michelle Ahern, connue aussi depuis son premier mariage en 1937 sous le nom de Michelle de Brabant, épouse l'écrivain et journaliste Pierre Tisseyre, directeur du Cercle du livre de France (devenu plus tard les Éditions Pierre Tisseyre), fondé de pouvoir et représentant au Canada de la Société des gens de lettres et de la Société des auteurs dramatiques de France.
En 1947, Michelle Tisseyre laisse Radio-Canada pour devenir pigiste. Elle participe alors à plusieurs programmes comme interprète et collaboratrice tels que "Jeunesse dorée", "La Revue de l'actualité", "L'Ardent voyage" et bien d'autres. Dès 1948, elle a sa propre demi-heure à CKAC où elle anime, pendant neuf mois, "Le panier de provisions". Ensuite, elle a sa chronique et son courrier, trois fois par semaine, à "Entre nous, mesdames", à Radio-Canada, où elle discute mode, théâtre et d'actualité avec Eugène Cloutier. En 1950, elle crée avec Noël Gauvin l'émission "Dans la coulisse" où elle se rend sur place les soirs de premières afin de présenter auteurs et interprètes et faire ressortir les qualités du spectacle. "Dans la coulisse" est né avec son pendant anglais "Back Stage".
À l'avènement de la télévision en 1952, Michelle Tisseyre obtient déjà sa propre émission à Radio-Canada, "Rendez-vous avec Michelle" (au début "Télé-Montréal") qui dure neuf ans, de 1953 à 1962, premier "talk show" au Canada, bilingue la première année et en français les années suivantes. Elle y fait des interviews, entrecoupées de performances, de chanteurs, de professeurs, de savants, de personnalités artistiques et littéraires, la politique étant excluse. Elle anime, de 1955 à 1960, "Music-Hall", la première émission de variétés à grand déploiement où elle fait découvrir de nombreux artistes devenus célèbres avec le temps. De 1962 à 1970, elle est co-animatrice avec Wilfrid Lemoyne, et pendant un an avec Jacques Languirand, à "Aujourd'hui", première grande émission quotidienne d'affaires publiques à Radio-Canada, qui attire plus d'un million de téléspectateurs. En plus de toutes ces émissions, Michelle Tisseyre en animera plusieurs autres au cours de sa carrière, autant à la radio qu'à la télévision (Radio-Canada, CBC, CKAC et Télé-Métropole).
Pendant toutes ces années, Michelle Tisseyre s'intéresse aussi au journalisme écrit. Elle collabore à "La revue populaire" et à "La revue moderne" et signe, pendant dix ans, une chronique hebdomadaire sur les arts et les lettres dans "Photo-Journal".
Michelle Tisseyre s'adonne aussi au théâtre. Dès 1949, après avoir accepté un an auparavant l'offre d'Henri Deyglun de tenir le premier rôle dans son roman feuilleton "Les Dames de notre temps", des rôles importants lui sont confiés. Ses rôles plus importants sont, entre autres, en anglais d'abord, au Montreal Repertory Theatre (la comtesse de Brière dans "What Every Woman Knows" de James M. Barrie, en 1949, et Elmire dans "Tartuffe" de Molière, en 1952); au Festival national d'art dramatique/Dominion Drama Festival (Armande dans "Les femmes savantes" de Molière, présenté par le cours François Rozet, en 1949); aux Festivals de Montréal/The Montreal Festivals (Rose Mamaï dans "L'Arlésienne" d'Alphonse Daudet, en 1950); au Théâtre du Trait d'Union, (la duchesse de Chailles dans "Le Duel" de Henri Lavedan de l'Académie française, en 1950)); et enfin au Rideau Vert (l'impératrice dans "Anastasia" de Marcelle Maurette, en 1956, et Noëlle dans "La Facture" de Françoise Dorin, en 1970). À la télévision, elle participe aussi à plusieurs télé-théâtres, dont "Tovaritch" de Jacques Denal, en 1955.
À la même époque (les années 1950), Michelle Tisseyre est commentatrice des défilés de mode chez Eaton, Holt Renfrew et Simpson et coordonnatrice de la mode chez Dupuis Frères dont elle a la responsabilité des revues saisonnières présentées au Théâtre Saint-Denis. Son travail l'amène à correspondre avec les maisons de haute couture parisiennes qu'elle va aussi visiter sur place afin de se renseigner sur les nouvelles collections de vêtements.
En raison de sa grande notoriété, Michelle Tisseyre accepte de collaborer comme auteure et à la direction du travail de publication de "L'Encyclopédie de la femme canadienne" par les Messageries Saint-Laurent en 1965. "L'Encyclopédie" est rédigée à partir de cinq autres encyclopédies dont on pouvait réimprimer les textes au choix en les changeant et en les adaptant ou en y faisant des ajouts de manière à correspondre aux habitudes, goûts et besoins des Canadiennes. Cet ouvrage, divisé en douze fascicules, est vendu dans les supermarchés du Québec afin de rejoindre le grand public.
Au début des années 1970, Michelle Tisseyre amorce une nouvelle carrière alors qu'elle fonde, avec son mari Pierre Tisseyre, la Collection des deux Solitudes (aux Éditions Pierre Tisseyre) dont le but est de faire connaître les Davies, Richler, Laurence, Carr, Callaghan et autres grands écrivains et écrivaines du Canada anglais aux lecteurs francophones. Elle choisit les oeuvres, dirige une équipe de traduction et révise le travail. Elle traduit elle-même certaines oeuvres de son choix dont: "Telle est ma bien-aimée", "Cet été-là à Paris" et "L'Hiver" de Morley Callaghan; "Klee Wyck" de Emily Carr; "Les saisons de l'Esquimau" de Fred Bruemmer. Elle fait aussi de la traduction pour d'autres maisons d'édition dont Stanké avec "Gabrielle Roy par elle-même", en 1985 ("Gabrielle Roy" de Marta Gudrun Hesse, 1984) et Fides avec "Mots et mirages", en 1987 ("Small Wonders", nouvelles de douze auteurs éditées par Robert Weaver en 1986).
MichelleTisseyre reçoit honneurs, distinctions et prix : le trophée Frigon, pour la meilleure animatrice à la télévision, en 1959; Miss Radio-Télévision, pour l'artiste la plus populaire, en 1959; l'une des dix femmes les plus élégantes du Canada par le "Liberty Magazine", en 1957 et en 1961; le prix de la traduction du Conseil des Arts du Canada 1975 pour les traductions de "Seasons of the Eskimo/Les saisons de l'Esquimau" de Fred Bruemmer, de "Such is my beloved/Telle est ma bien-aimée" et de "Winter/L'Hiver" de Morley Callaghan; membre de l'Ordre du Canada, en 1976; la médaille d'or de la Renaissance française, organisme de France voué au développement et à la promotion de la culture française sur la scène internationale, pour l'effort accompli dans la valorisation de la qualité de la langue française, en 1997.
Biographie fournie par Mme Tisseyre et renseignements tirés des documents du fonds d'archives.