Laurier, Wilfrid, Sir, 1841-1919 : Premier francophone au poste de premier ministre du Canada (1896-1911)
Henry-Charles-Wilfrid Laurier est né le 20 novembre 1841 à Saint-Lin, au Canada-Est (aujourd'hui Saint-Lin-Laurentides, Québec). Il fréquente des écoles francophones et anglophones, étudie le droit à l'Université McGill et exerce le droit à Montréal et à Arthabaska, au Québec.
Dans sa jeunesse, Laurier est membre du Parti rouge (un parti radical), se joint à l'Institut canadien et est rédacteur en chef du journal 'Le Défricheur.' Il occupe plusieurs postes importants à l'échelle locale. En 1871, il est élu à l'Assemblée législative de la province de Québec dans la circonscription de Drummond-Arthabaska. Puis, il cofonde le Parti national, un parti modéré.
En 1874, Laurier est élu député libéral au Parlement dans la circonscription de Drummond-Arthabaska. Le premier ministre Alexander Mackenzie le nomme ministre du Revenu de l'intérieur en 1877. Défait lors de l'élection partielle coutumière pour les nouveaux ministres, il ne tarde pas à se faire réélire dans la circonscription de Québec-Est, qu'il représente jusqu'à sa mort. Laurier devient secrétaire du chef du parti, Edward Blake, en 1878. Il occupe ce poste jusqu'à ce qu'il devienne lui-même chef en 1887.
Après sa défaite à l'élection générale de 1891, Laurier organise un congrès national du parti et une tournée de conférences à l'échelle nationale pour renforcer son leadership et mieux se faire connaître.
Laurier est premier ministre de 1896 à 1911. Pendant ces quinze années, il dirige l'expansion vers l'Ouest canadien : il crée le territoire du Yukon en 1898 et les provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta en 1905; règle le problème de la frontière avec l'Alaska; fait construire de nouvelles voies ferrées transcontinentales; et favorise l'immigration en provenance d'Europe. De plus, il encourage l'urbanisation, l'industrialisation, la réforme des tarifs douaniers, l'autonomie provinciale ainsi que le dualisme linguistique et culturel entre les communautés francophone et anglophone. Bien qu'anglophile, il accroît l'autonomie du Canada à l'égard de la Grande-Bretagne. Il envoie une force militaire durant la guerre d'Afrique du Sud, en 1899, et fonde la marine canadienne deux ans plus tard.
Même s'il est favorable à la participation du Canada à la Première Guerre mondiale, il s'oppose à la conscription. Son refus de faire partie du gouvernement d'union en 1917 divise le parti. Jusqu'à sa mort, il restera à la tête d'un petit groupe de « libéraux de Laurier ».
Laurier est fait chevalier en 1897. Il épouse Zoé Lafontaine en 1868. Le 17 février 1919, à Ottawa, il meurt des suites d'un accident vasculaire cérébral; il est enterré au cimetière Notre-Dame à Ottawa.
Par ses politiques et ses mesures coloniales, Wilfrid Laurier prolonge le racisme systématique des pratiques du gouvernement fédéral à l'égard des peuples autochtones. Les pouvoirs étendus et unilatéraux du gouvernement sont utilisés pour éradiquer et assimiler les peuples autochtones. Les traumatismes, les déplacements, la privation des droits et l'exclusion qui en découlent ont encore des conséquences aujourd'hui.
Pour dénoncer le mépris de sir John A. Macdonald à l'égard des droits linguistiques des francophones, Laurier exploite la répression armée du gouvernement fédéral contre la résistance de la Nation Métisse en 1869 et en 1885, la pendaison de Louis Riel et la violence continue contre les Métis. Ses attaques rehaussent le prestige national de Laurier et galvanisent le soutien des Canadiens français au Parti libéral. Devenu premier ministre, Wilfrid Laurier continue cependant d'appliquer les politiques de Macdonald qui font disparaître les titres fonciers des Métis par le biais du régime de certificats et de la fraude.
Afin de réserver les terres de l'Ouest canadien pour les pionniers, Laurier négocie les traités nos 8, 9 et 10 avec les Premières Nations. Ces traités obligent celles-ci à s'installer dans des réserves, les privent de leurs droits sur les ressources naturelles, et limitent leurs droits d'acheter et de vendre des terres, de gérer leurs fonds, de chasser, de pêcher et de cultiver des terres. Les traités codifient la volonté du gouvernement de faire disparaître les langues et les cultures autochtones par la fréquentation des pensionnats ainsi que par l'interdiction unilatérale des pratiques traditionnelles. Les modifications apportées par Laurier à l'Acte des élections fédérales, en 1898, privent les Autochtones du droit de vote aux élections fédérales.
Laurier ouvre les frontières du pays à de nouveaux groupes d'immigrants, comme ceux d'Europe de l'Est venus s'installer dans les Prairies. Au même moment, il adopte une loi excluant systématiquement d'autres immigrants en raison de leur origine ethnique. La Loi de l'immigration chinoise de 1900 impose une double taxe d'entrée aux personnes arrivant de Chine. En 1903, cette taxe est de nouveau alourdie. Cinq ans plus tard, le Canada signe un accord avec le Japon pour limiter considérablement l'immigration en provenance de ce pays. En 1911, il prend des mesures pour interdire l'admission des immigrants noirs à l'aide d'un décret.
Plus largement, les modifications apportées par Wilfrid Laurier à l'Acte de l'immigration, en 1906, 1908 et 1910, interdisent l'admission d'immigrants de catégories définies. Elles donnent au gouvernement des pouvoirs d'expulsion et ciblent les immigrants d'origine asiatique en raison de leur origine ethnique, leur imposant des obligations financières et restreignant leurs déplacements.
Les préjudices engendrés par les mesures et les politiques menées par Wilfrid Laurier ont été reconnus au cours des dernières années. Des tribunaux, dont la Cour suprême du Canada, ont conclu que le gouvernement du Canada n'a pas accordé les droits fonciers promis à la Nation Métisse et que le gouvernement n'a pas appliqué certains éléments négociés dans les traités nos 8, 9 et 10. Depuis, le gouvernement fédéral est parvenu à des ententes avec certaines Premières Nations signataires des traités.
Le gouvernement du Canada a officiellement présenté des excuses pour les mesures prises par le gouvernement de Wilfrid Laurier, notamment celles qui découlent de sa modification de l'Acte d'immigration, en 1908. Les divers premiers ministres en exercice ont présenté des excuses en 2006, pour l'imposition d'une taxe d'entrée aux immigrants d'origine chinoise; en 2008 et en 2017, pour les pensionnats indiens; et en 2016, pour l'incident du Komagata Maru.