Eldorado nucléaire limitée : La compagnie Eldorado Gold Mines Limited a été incorporée en vertu d'une charte provinciale de l'Ontario, en février 1926, par les frères Gilbert et Charles Labine. En 1930, durant sa prospection dans la région du Grand Lac de l'Ours, Gilbert Labine découvre des gisements de pechblende, contenant de l'uranium et du radium. A l'époque, c'est le radium qui offre un intérêt économique, l'uranium ne constituant qu'un sous-produit.
En 1932 la compagnie installe une raffinerie de radium à Port Hope, en Ontario, sous la direction de Marcel Pochon, un élève de Pierre Curie. L'année suivante la compagnie commence l'extraction à Port Radium, sur le Grand Lac de l'Ours. Le minerai est broyé, séparé puis expédié par eau, par air et par terre jusqu'à Port Hope, à 6 000 km de là. Les 74 tonnes de minerai extraites en 1933 donneront un peu plus de 3 grammes de radium, qui se vend alors 70 000 $ le gramme. En 1936 les frères Labine achètent une compagnie de transport maritime, la Northern Waterways Limited, qu'ils rebaptisent la Northern Transportation Company Limited (NTCL). La NTCL assure le transport de fret et de passagers entre Waterways, en Alberta, et le delta du Mackenzie. En 1940 les frères Labine doivent fermer la mine de Port Radium à cause de la chute du prix du radium et de la désorganisation des marchés entraînée par la guerre.
La découverte de l'énergie dégagée par la fission de l'uranium provoque une course à la mise au point de l'arme atomique et l'uranium devient un minerai stratégique très en demande. Dès 1942 la prospection, l'extraction et la production d'uranium sont placées sous contrôle gouvernemental, et le Cabinet autorise l'achat des actions d'Eldorado. Le gouvernement fédéral se réserve entre temps toutes les substances radioactives trouvées dans les minerais sur les terres de la Couronne dans les territoires ainsi qu'en Colombie-britannique, en Saskatchewan et au Manitoba. En 1944 Eldorado et la NTCL sont nationalisées et placées sous la responsabilité du ministre des Munitions et des Approvisionnements, C.D. Howe (décret du Conseil 535 du 27 juin 1944). La compagnie, qui s'appelait Eldorado Mining and Refining Limited depuis 1943, porte maintenant le nom Eldorado Mining and Refining (1944) Limited. Elle reviendra au nom Eldorado Mining and Refining Limited en 1952.
Peu après la nationalisation le ministre se rend compte de l'existence de problèmes sérieux dans la gestion d'Eldorado. En 1945 il demande à J. Grant Glassco de mener une enquête sur tous les aspects de la gestion d'Eldorado (décret 3329, 7 mai 1945). L'enquête durera deux ans et mènera à l'inculpation pour fraude de Marcel Pochon et de Boris Pregel, responsable des ventes à l'étranger. L'affaire sera réglée hors cour. C'est aussi durant cette période que les dirigeants fondateurs de la compagnie, Gilbert et Charles Labine, se retirent. William J. Bennett, adjoint de C.D. Howe, devient président de la NTCL en 1946 et président d'Eldorado en 1947. Le siège social de la compagnie déménage de Port Hope à Ottawa.
L'intérêt accru pour l'uranium, stimulé par la seconde guerre mondiale, puis par la guerre froide et la course aux armements nucléaires, améliore considérablement la santé financière d'Eldorado, qui connaît sa période la plus prospère. En 1942 la compagnie rouvre la mine de Port Radium; elle signe des contrats de fourniture d'uranium avec l'armée américaine, puis, après la guerre, avec l'Atomic Energy Commission américaine. Eldorado devient en 1949 le seul agent autorisé à acheter les minerais et les concentrés d'uranium au Canada. Les efforts accrus de prospection portent fruit alors qu'Eldorado découvre en 1946 de nouveaux gisements de pechblende près du lac Athabaska, en Saskatchewan; la production à la mine Beaverlodge débute en 1952 et s'accompagne de la naissance de la ville d'Uranium City. Les installations de Port Hope sont converties pour le raffinage de l'uranium. A Port Radium, on commence à réutiliser les scories résultant de l'extraction du radium, pour en extraire l'uranium. Parallèlement, Eldorado travaille activement avec la Direction des Mines du ministère des Mines et des Ressources pour améliorer l'efficacité de la production d'uranium. Le contrôle étatique sur le marché de l'uranium se relâche quelque peu: en 1958 on permet aux producteurs privés de négocier directement des contrats de vente de 2 500 livres d'uranium ou moins avec des pays "amis". En 1959 l'uranium constitue la principale exportation minière du Canada, et occupe le quatrième rang dans l'exportation des ressources naturelles.
L'expansion des activités d'Eldorado s'accompagne d'une diversification de sa structure: la compagnie se dote d'une division de l'exploration (Exploration Division) en 1943, d'une division de l'aviation (Aviation Division) l'année suivante et d'une division des produits commerciaux (Commercial Products Division), chargée de traiter et d'écouler le radium, en 1946. Cette dernière passera en 1952 à Énergie atomique du Canada Limitée et se chargera du développement d'appareils d'irradiation à des fins médicales, ainsi que du commerce des isotopes. En 1953 la division de l'aviation devient une compagnie distincte, Eldorado Aviation Limited. La nouvelle compagnie, créée pour répondre aux normes de la Commission des Transports aériens, demeure néanmoins propriété à part entière d'Eldorado. Le projet de recherche mené par la Direction des Mines devient la division de la recherche et du développement (Research and Development Division) d'Eldorado en 1953.
La période de prospérité se termine en 1959, alors que le gouvernement américain annonce qu'il ne renouvellera pas les contrats d'achat d'uranium après 1962. La signature d'un contrat avec la Grande-Bretagne et la décision du gouvernement canadien de constituer des stocks d'uranium, ne peuvent qu'atténuer l'impact de la crise. Le personnel d'Eldorado passe de 1 557 en 1957, à 783 en 1965. En 1968 la compagnie change de nom et devient Eldorado Nuclear Limited / Eldorado Nucléaire Limitée, et son mandat s'étend maintenant à d'autres minerais que l'uranium et le radium.
Durant les années 1970 le marché de l'uranium reprend quelque peu de la vigueur, à la faveur du développement des centrales nucléaires. En 1974 le gouvernement canadien lève le moratoire qu'il avait imposé sur la prospection pour l'uranium. Eldorado compte 1288 employés en 1977. En 1982 Eldorado acquiert la Gulf Minerals Canada Limited Company (GMCL) et Uranerz. Ces deux compagnies s'étaient associées pour développer les sites miniers de Rabbit Lake, en Saskatchewan. La production d'uranium de Rabbit Lake, entreprise en 1975, atteignait 13,5 % du total canadien à la fin des années 1970. Par contre la mine de Beaverlodge est fermée définitivement en 1982. De son côté, la NTCL passe au ministère des Transports en 1975.
En 1983 Eldorado devient une filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada (CDIC). Cette dernière a été créée en 1982 pour gérer les actifs des sociétés de la Couronne destinées à la privatisation. En 1988, en vertu de la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Eldorado Nucléaire Limitée (35-36-37 Eliz. II, chap. 41), Eldorado Nucléaire était fusionnée avec la Saskatchewan Mining Development Corporation pour former la Canadian Mining and Energy Company (Cameco), toujours propriété de la CDIC. A la même époque cette dernière créait une autre filiale, Canada Eldor, pour s'occuper du suivi des affaires d'Eldorado (pensions, documents, etc). Entre 1988 et 1995 la CDIC a vendu toutes les actions qu'elle détenait dans Cameco.
Au cours de son existence comme compagnie de la Couronne, Eldorado s'est successivement rapportée au ministre des Munitions et des Approvisionnements (1944-1946), au ministre de la Reconstruction et des Approvisionnements (1946-1951), au ministre de la Production de Défense (1951-1955), au ministre du Commerce (1955-1965), au ministre des Mines et des Relevés techniques (1965-1966), au ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources (1966-1983), puis à la CDIC. A partir de 1965 la NTCL s'est rapportée à un ministre différent de celui d'Eldorado: le ministre du Nord canadien et des Ressources nationales (1965-1966), le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (1966-1975), puis le ministre des Transports.
La présidence d'Eldorado a été occupée successivement par A.E. Hall (1926), Charles et Gilbert Labine, en alternance (1926-1947), William J. Bennett (1947-1958), Roy Henry (1958), William Gilchrist (1958-1974), Nicholas Ediger (1974-1987) et George Bonar (à partir de 1987).