Énergie atomique du Canada limitée : En 1942, un laboratoire britanno-canadien est ouvert à Montréal pour la recherche sur la technologie nucléaire. Le Laboratoire de Montréal, comme on l'appelle, mène ses activités sous l'égide du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). En 1944, le Laboratoire de Montréal entreprend la construction du premier réacteur nucléaire du Canada, la pile expérimentale d'énergie zéro (le « réacteur ZEEP »), à Chalk River, en Ontario. Le réacteur atteint la criticité en 1945. Le Laboratoire de Montréal est intégré au projet de Chalk River en 1946.
Cette même année, en 1946, la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique désigne la Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA) comme organisme de réglementation de l'énergie nucléaire au Canada. La CCEA est notamment chargée d'assumer le contrôle et la direction du projet de Chalk River et de poursuivre les recherches sur l'énergie nucléaire (Geo. VI, ch. 37). Même si elle dirige le projet de Chalk River en apparence, la CCEA demande que le CNRC prenne en charge la gestion du projet, ce que fait le CNRC en 1947. Le réacteur de recherche expérimental (NRX) atteint la criticité pour la première fois en 1947. Au cours des années suivantes, la cancérothérapie au cobalt 60 est mise au point à Chalk River. La taille croissante des installations de Chalk River et les possibilités de commercialisation (notamment la vente de plutonium aux États Unis à des fins militaires) mènent à des discussions sur la création d'une société d'État à part entière.
Le 17 octobre 1951, le Conseil privé de la Reine pour le Canada approuve la création d'une société d'État en vertu de la partie 1 de la Loi sur les compagnies de 1934, en application de l'article 10 de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique de 1946. Cette société agirait au nom de la CCEA pour l'application des alinéas 8 a), b), c) et h) de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique de 1946 (décret no 1951 5495 du 17 octobre 1951) et serait appelée Énergie atomique du Canada limitée (EACL) (décret no 1951 6720 du 11 décembre 1951).
Le 14 février 1952, des lettres patentes émises par le secrétaire d'État du Canada officialisent la constitution en société privée d'EACL. Le 31 mars 1952, le CNRC transfère tous les actifs des installations nucléaires de Chalk River à EACL (Loi no 2 sur les crédits, 21e législature, 6e session). EACL assume également la gestion de Deep River, la municipalité hébergeant les membres du personnel de Chalk River et leurs familles, ainsi que la gestion du personnel et des actifs de la Division des produits commerciaux d'Eldorado Mining and Refining Limited, une société d'État oeuvrant dans le secteur de l'extraction et du raffinage de produits radioactifs.
À Chalk River, les activités de recherche et de conception se poursuivent sans interruption après la constitution en société d'EACL. Le réacteur national de recherche universel (réacteur NRU) passe à l'état de criticité en 1957, produisant des radio isotopes à des fins médicales et de recherche. Au cours des années 1950, les relations établies avec les forces armées américaines lorsque le Laboratoire de Montréal était en activité sont maintenues. Les forces armées canadiennes et américaines apportent également leur aide à la suite de deux incidents nucléaires survenus à Chalk River : la fusion partielle du coeur du réacteur NRX, le 12 décembre 1952, et la rupture d'une barre de combustible dans le réacteur NRU, le 23 mai 1958.
En 1960, EACL annonce la construction des Laboratoires de Whiteshell, à Pinawa, au Manitoba. Ce deuxième laboratoire ouvre ses portes en 1963, et son premier réacteur, Whiteshell Reactor 1, atteint la criticité en 1965. Un deuxième réacteur de recherche conçu à Whiteshell, SLOWPOKE, passe à l'état de criticité en 1970.
Dès sa constitution en société, EACL met l'accent sur la mise au point d'une technologie de production d'électricité par l'énergie nucléaire. En 1954, EACL conclut sa première entente avec un fournisseur d'électricité canadien, Ontario Hydro, et avec la Compagnie générale électrique du Canada pour le développement d'un prototype de centrale nucléaire à eau lourde (deutérium uranium). Cette entente mène à la construction du prototype du réacteur canadien à deutérium uranium (CANDU), appelé réacteur nucléaire de démonstration (réacteur NPD), qui atteint la criticité à Rolphton, en Ontario, en 1962. Celui-ci devient le premier réacteur de centrale nucléaire à alimenter des réseaux de distribution électrique au Canada. Après l'entente conclue entre EACL et Ontario Hydro, un deuxième prototype CANDU est conçu, soit le réacteur de Douglas Point. Celui ci passe à l'état de criticité à Kincardine, en Ontario, en 1966. Le premier réacteur CANDU commercial d'Ontario Hydro atteint la criticité à Pickering, en Ontario, en 1971. EACL conclut également des ententes avec la Société d'Énergie du Nouveau Brunswick et Hydro Québec pour la construction de deux nouveaux réacteurs CANDU à Point Lepreau (Nouveau Brunswick) et Bécancour (Québec). Ces deux réacteurs passent à l'état de criticité en 1983.
EACL commercialise sa technologie nucléaire à l'échelle internationale dès les années 1950. En 1955, la société conclut une entente avec l'Inde visant le transfert du modèle de conception de son réacteur NRX et, plus tard, du modèle de réacteur CANDU. EACL se trouve au coeur d'une controverse en 1974, lorsque l'Inde mène son premier essai d'arme nucléaire en utilisant du plutonium probablement généré par les modèles des réacteurs NRX et CANDU achetés au Canada. Sous réserve de l'application de règlements nationaux et internationaux plus stricts, EACL vend des modèles de conception de réacteurs CANDU à l'Argentine, à la Corée et à la Roumanie au cours des années 1980 et 1990.
Au cours des années 1980, une série de projets d'EACL sont annulés à la suite d'événements survenus au pays et dans le monde. Les essais nucléaires réalisés par l'Inde (1974), la fusion du coeur du réacteur à la centrale de Three Mile Island, aux États Unis (1979) et la catastrophe de Tchernobyl (1986) intensifient les craintes à l'égard de l'énergie nucléaire. Plusieurs projets nucléaires canadiens tombent à l'eau au cours des années 1980 et 1990 : ZEEP (1980), Douglas Point (1984), WR 1 (1985), NPD (1987), NRX (1993) et tout le projet des Laboratoires Whiteshell (1998). Les projets avortés sont tous des projets de recherche et de développement de prototypes dont l'application commerciale est minimale, et pour lesquels des travaux de remise en état et des investissements supplémentaires s'imposent depuis un certain temps déjà .
En 1978, EACL avait procèdé à une restructuration et répartit ses activités opérationnelles entre quatre entités semi autonomes (appelées sociétés) en ingénierie, chimie, radiochimie et recherche. Ces sociétés relèvent d'EACL, qui assume le rôle de surveillance de la planification générale de leurs activités. À la suite de ce regroupement des activités opérationnelles, chacune des sociétés d'EACL agit comme entité distincte ayant ses actifs, son personnel et ses projets propres, régis en propriété privée. En 1988, EACL vend sa Société radiochimique et sa Division des produits médicaux au groupe MDS (MDS Nordion) et à Theratronics International, respectivement. En outre, la propriété de la Division des produits commerciaux est transférée à la Corporation d'investissements au développement du Canada en 1988, afin que la Division puisse bénéficier d'investissements privés.
Au cours des années 2000 et du début des années 2010, EACL entreprend des démarches pour la privatisation de ses dernières divisions : la Division des réacteurs CANDU et la Division des Laboratoires nucléaires. En 2009, la mise hors service inattendue du réacteur NRU à Chalk River attire l'attention du monde entier sur EACL (ainsi que sur son actionnaire, le gouvernement fédéral) et met en lumière son rôle de fournisseur d'isotopes médicaux à l'échelle mondiale. En 2011, Candu Énergie inc., une filiale en propriété exclusive du Groupe SNC Lavalin, fait l'acquisition de la Division des réacteurs CANDU d'EACL.
Avec sa dernière division, celle des Laboratoires nucléaires, EACL travaille à la mise en oeuvre d'un modèle de gestion reposant sur la formule d'un organisme gouvernemental exploité par un entrepreneur (OGEE). Selon le modèle OGEE, les sites, les installations, les actifs, les droits de propriété intellectuelle et la responsabilité de la restauration de l'environnement et de la gestion des déchets radioactifs appartiendraient à EACL, tandis que les responsabilités relatives à l'exploitation quotidienne des sites, à la main d'oeuvre, aux licences et aux permis reviendraient à une entité en propriété privée. Pour se préparer à cette transition, EACL lance une demande de déclarations d'intérêt pour le secteur privé en 2011 et crée les Laboratoires Nucléaires Canadiens Ltée (LNC) en tant que filiale en propriété exclusive en 2014. En 2015, EACL conclut un contrat avec l'Alliance nationale pour l'énergie au Canada (ANEC), à qui elle cède la propriété des LNC. L'ANEC est un consortium qui, à l'origine, regroupait Rolls Royce, Fluor, CH2M, EnergySolutions et SNC Lavalin. Les LNC, sous la propriété de l'ANEC, exploitent et gèrent les installations d'EACL.
Au début de 2023, EACL possède six sites exploités par les LNC : l'Itinéraire de transport dans le Nord, les Laboratoires de Whiteshell, Douglas Point, Port Hope, Chalk River et Gentilly 1. Des démarches sont entreprises pour la mise hors service de la moitié d'entre eux. Deux de ces sites servent à la gestion de déchets radioactifs. Les travaux de recherche sur la technologie nucléaire se poursuivent à Chalk River.
Au fil des ans, les rapports annuels d'EACL ont été soumis par le ministre du Commerce, le président du Comité des recherches scientifiques et industrielles du Conseil privé, le ministre des Mines et des Relevés techniques, le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources et le ministre des Ressources naturelles. Les présidents d'EACL ont été C. J. Mackenzie, W. J. Bennett, J. L. Gray, J. S. Foster, James Donnelly, Stanley Hatcher, Reid Morden, Allen Kilpatrick, Robert Van Adel, Hugh MacDiarmid, Robert Walker, Richard Sexton et Fred Dermarkar.