Commission d'enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada : La Commission d'enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada a été créé en vertu du décret du conseil C.P. 1911, 6 juillet 1977, en vertu de la Partie 1 de la Loi sur les enquêtes (S.R.C., 1970, ch. 1-13) et sur la recommandation du premier ministre, modifié par le décret du conseil C.P. 2914, 28 octobre 1980. La Commission était mandatée de (a) conduire telles enquêtes que les Commissaires peuvent juger nécessaires dans le but de déterminer l'étendue et la fréquence de pratiques d'enquête et autres gestes non autorisés ou prévus par la loi, impliquant des membres de la Gendarmerie royale du Canada, et, à cet égard, d'examiner les politiques et procédures pertinentes qui régissent les activités de la Gendarmerie royale du Canada dans l'accomplissement de la tâche qui est sienne de protéger la sécurité du Canada; (b) faire rapport des faits qui ont entouré toute pratique d'enquête ou autre geste qui n'était pas autorisé ou prévu par la loi, impliquant des personnes qui étaient alors membres de la Gendarmerie royale du Canada tel qu'il pourra être établi devant la Commission, et de faire les recommandations quant à toute action subséquente que de l'avis des commissaires l'intérêt public rend nécessaire et opportune; et (c) faire des recommandations et présenter à cet effet les rapports qu'ils jugent nécessaires et opportuns dans l'intérêt du Canada, quant aux politiques et procédures qui régissent les activités de la Gendarmerie royale du Canada dans l'accomplissement de la tâche qui est sienne de protéger la sécurité du Canada, quant aux mécanismes requis pour la mise en oeuvre de ces politiques et procédures, et finalement quant à l'à-propos des lois du Canada dans la mesure où elles s'appliquent à ces politiques et procédures, eu égard aux impératifs de sécurité du Canada. Le commissaires étaient David C. McDonald, président; Donald S. Rickerd et Guy Gilbert. Le secrétaire était H.R. Johnson.
En mars 1976 eut lieu à Montréal le procès de Robert Samson, ancien agent de la GRC et membre du Service de sécurité de ce corps policier. Samson répondait à des accusations relatives à un attentat à la bombe à la résidence d'un directeur des supermarchés Steinberg. Au cours de son procès, l'accusé a reconnu avoir été impliqué, au nom de la GRC, dans d'autres activités douteuses. Sommé de s'expliquer, il évoqua l' "Opération Bricole", nom de code donné à l'intrusion illégale, perpétrée le 7 octobre 1972, dans les locaux de l'Agence de presse libre du Québec (APLQ), agence de presse gauchiste, située au 3459 rue St-Hubert à Montréal, au cours de laquelle des documents avaient été subtilisés.
Le témoignage de Samson éveilla un intérêt considérable dans le public et une vive inquiétude se manifesta aux échelons supérieurs du gouvernement. Le 17 juin 1977, Francis Fox, alors Solliciteur général du Canada, déclara à la Chambre des communes que le gouvernement fédéral envisageait l'établissement d'une commission royale. L'idée en fut cependant abandonnée parce que Maurice Nadon, commissaire de la GRC, et Michael Dare, directeur général du Service de sécurité de la GRC, assurèrent le premier ministre Trudeau et le Solliciteur général Fox que l'affaire de l'APLQ était exceptionnelle et isolée et que la GRC demandait à ses membres d'agir en toute légalité. Toutefois, on se rendit bientôt compte que l'affaire de l'APLQ était loin d'être isolée. Les Services de sécurité de la GRC avaient participé à d'autres activités illégales.
Après que Samson et les autres personnes impliquées dans l'incident de l'APLQ eurent plaidé coupables, les implications de l'affaire apparurent au grand jour. Le fait que des officiers de trois corps policiers différents, à savoir le Service de sécurité de la GRC, la Sûreté du Québec et la police de la ville de Montréal, aient participé conjointement à l'effraction des locaux de l'APLQ montrait qu'il s'agissait d'une opération rigoureusement planifiée. Le gouvernement du Québec répondit à l'affaire de l'APLQ en nommant une commission d'enquête présidée par Jean Keable, chargée d'enquêter sur l'incident ainsi que sur toutes les autres activités illégales de la GRC au Québec.
Bientôt, d'autres activités non autorisées ou illégales du Service de sécurité de la GRC furent mises au jour, mais la révélation la plus troublante émana de l'intérieur même de la GRC. Quand les anciens sergents Donald McCleery et Gilles Brunet rencontrèrent la haute direction du Solliciteur général et du ministère de la Justice, le 6 et le 23 juillet 1977, relativement à leur congédiement de la GRC, ils alléguèrent que d'autres membres du Service de sécurité de la GRC avaient participé à des perquisitions non autorisées, procédé à l'ouverture illégale de courrier et utilisé de faux documents.
Fox rapporta cette information, ainsi que les révélations d'autres personnes, au commissaire Nadon de la GRC, qui demanda au ministre d'établir une commission d'enquête.
Le 6 juillet 1977, Fox annonça aux Communes la nomination d'une commission royale chargée d'enquêter sur "l'étendue et la fréquence des pratiques d'enquête et autres gestes qui ne sont pas autorisés ou prévus par la loi impliquant des membres de la Gendarmerie royale du Canada." Simultanément, Francis Fox expliquait les circonstances ayant mené à l'établissement de la commission royale en disant que les allégations avaient immédiatement retenu son attention et qu'à sa demande, le solliciteur général adjoint du Canada et le procureur général adjoint chargé des affaires criminelles, avaient rencontré personnellement certaines des personnes qui avaient formulé les allégations. En outre, il avait demandé au commissaire de la GRC d'entreprendre les recherches qui étaient justifiées. Toujours selon Fox, le commissaire de la GRC l'aurait averti ultérieurement, après enquête préliminaire, que certaines de ces allégations n'étaient peut-être pas dépourvues de fondement. Certains membres de la GRC, dans l'exercice de leurs fonctions de protection de la sécurité nationale, pourraient bien avoir utilisé des méthodes illégales ou non autorisées et participé à des actions répréhensibles. Le commissaire aurait donc modifié sa position et recommandé que le gouvernement instaure une commission d'enquête sur les opérations et les procédés du Service de sécurité de la GRC, et ce, à l'échelle nationale (Voir Chambre des communes, Debates, 17 juin et 6 juillet 1977, p. 6793 et p. 7365; John Sawatsky, Men In The Shadows: The RCMP Security Service, Toronto, Doubleday Canada Ltd., 1980, p. 278-283; Richard Cléroux, Official Secrets : The Story Behind The Canadian Security Intelligence Service, Toronto, McGraw-Hill Ryerson, 1990, p. 37-50 et Commission d'enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada, La liberté et la sécurité devant la loi, août 1981, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1981, vol. 1, p. 7-11).
Si l'on en croit le deuxième rapport des commissaires (vol. 1, p. 24), la commission tint, du 18 octobre 1977 au 25 août 1981, 169 audiences publiques et 144 audiences à huis clos, au cours desquelles furent déposés des preuves ou des mémoires. La commission reçut 524 pièces à conviction lors des audiences à huis clos et 468 dans le cadre des audiences publiques.
La commission a également mené des enquêtes relatives aux allégations, tenu des séances d'information officielles et plusieurs réunions privées. Elle s'est en outre rendu aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Australie pour y obtenir des informations. Collection de l'inventaire général de RG33-128.