Lettre de Duchesneau au ministre - la nomination de Seignelay suscite de grands espoirs pour la colonie; le recensement des Indiens domicilés montre que leur nombre s'est accru de 207 personnes; le meilleur moyen de françiser les Indiens est d'établir des villages de ces peuples au milieu des Français; à la mission sulpicienne de la Montagne ainsi que dans les missions jésuites du Sault, de Sillery et de Lorette, on élève les jeunes Indiens à la française et montre à lire et à écrire aux jeunes garçons; les filles de la Congrégation s'appliquent à l'instruction des petites Indiennes à la Montagne et leur apprennent la couture: les Ursulines font la même chose à Québec; on ne peut jamais trop favoriser ces missions qui produisent un grand nombre de bons chrétiens et qui mettent le pays en sûreté en plus d'attirer les pelleteries: propose de faire quelques petits présents aux Indiens domiciliés pour en attirer un plus grand nombre, et d'allouer un petit fonds pour doter les Indiennes qui sortent des Ursulines afin de les marier; exhorte les habitants à élever des Indiens; donne lui-même l'exemple: trois l'ont quitté parce qu'il voulait les assujettir à apprendre quelque chose; les Jésuites ont même des Illinois et des Loups qui savent lire, écrire et parler français; règlement fait avec l'évêque pour le district des paroisses: ont réduit aux dîmes seules la subsistance d'un curé, plaintes des curés, des seigneurs et des habitants au sujet de la plus grande étendue des paroisses; l'évêque a renvoyé les prêtres dans les lieux "qu'ils avaient coutume d'assister" et leur a ordonné de se contenter du strict nécessaire: quelques seigneurs ont offert de les nourrir chez eux; montre qu'il en coûte beaucoup plus cher pour vivre aux curés du Canada qu'à ceux de France; chaque seigneur veut un curé sur sa terre, mais aucun n'a les moyens de faire construire une église solide: ils sont tous pauvres et endettés; il n'y a dans tout le pays que sept églises paroissiales en pierre; les autres sont de pièces de bois et de planches: l'évêque refuse de les consacrer, vu leur peu de solidité; explications demandées à propos de ceux qui comptent obtenir le patronage des églises; bon usage des gratifications accordées aux communautés, aux églises et aux particuliers; a seulement touché 3,000 l. pour les mariages de cette année; a fait tout ce qu'on désirait pour les Récollets au sujet de la place de la sénéchaussée; indemniser ces religieux pour les pertes subies dans le naufrage du Saint-Joseph; révocation de Josias Boisseau: réfute les allégations de cet agent qui l'accusait d'avoir favorisé indûment Jolliet et La Chesnaye; est malheureux de se voir injustement accusé par le roi de partialité et d'animosité; ses lettres et ses rapports n'ont jamais été entachés de partialité; il n'a toujours dit que la vérité; a souffert les pires indignités sans ressentiment et sans émotion; depuis son arrivée au Canada, il n'a dénoncé la conduite que des personnes suivantes: Frontenac, Chartier père, Perrot, La Salle, Dulhut, Bécancour et Boulduc; a envoyé les pièces justificatives au sujet des liens d'intérêt de Frontenac avec les coureurs de bois; a fait punir tous les coureurs de bois (16) qui ont été pris; zèle du prévôt Comporté qui avait ordre de prévenir Frontenac chaque fois qu'il partait à la recherche des désobéissants; il y a deux sortes de coureurs de bois; les premiers vont à la source du castor chez les nations éloignées (Miamis, Illinois, Sioux, Assiniboines) et partent pour 2 ou 3 ans; les seconds vont au-devant des Indiens et des Français qui descendent jusqu'au Long-Sault, la Petite Nation et quelquefois jusqu'à Michillimakinac afin de profiter seuls de leurs pelleteries en échange de marchandises et d'eau-de-vie: ceux-là ne sont absents que quelques mois; difficulté de les arrêter; mauvaise exécution des ordres visant à empêcher les coureurs de bois de repartir après l'amnistie (plus de 60 canots seraient partis): les mesures ordonnées par le roi à l'égard des libertins sont excellentes, mais on ne les applique qu'en autant qu'elles s'accommodent à l'intérêt particulier de certains (Frontenac); l'absence prolongée de 500 désobéissants, qui sont les plus propres au travail de la terre, fait que la colonie se dépeuple et que les terres demeurent incultes; c'est à cause de la contrebande avec les Anglais qu'il n'entre pas plus de pelleteries en France depuis quelques années; Frontenac ne donnera pas de congé de traite avant l'an prochain et Duchesneau les visera; Frontenac ne permet qu'en autant que ça lui plaît l'exécution des ordres émis par l'intendant et par les officiers de justice; les ordres donnés aux gouverneurs de ne point exiger de présents des Indiens seront très avantageux à la colonie; Frontenac a refusé qu'on informe contre les libertins qui ont empêché 90 canots outaouais de descendre à Montréal "sur des appréhensions de pestes"; si les coureurs de bois attirés par l'amnistie n'avaient apporté une grande quantité de castors, les fermiers en auraient manqué; toute la pelleterie est tombée dans 3 ou 4 mains; a rendu une ordonnance touchant le méchant castor sec qui doit être pris pour tout son poids: erreur dans la lettre du roi contenant une diminution de 20 s. du castor demi-gras; n'oblige plus les fermiers à acheter les cendres; exhortera les habitants à faire de la potasse; accroissement du commerce avec les Antilles: nombre de vaisseaux qui y sont allés depuis quelques années; a craint que ce commerce ne cessât, à cause d'une lettre de Patoulet qui affirmait que les produits du Canada ne convenaient point aux Îles: a prié ce dernier de soutenir ce commerce; envoie le recensement de cette année ainsi que l'état des mariages, baptêmes et sépultures; craint que Frontenac ne laisse pas aux officiers de justice l'entière liberté de leurs fonctions; ne cachera jamais la vérité même si sa famille est exposée au ressentiment des proches de Frontenac, Talon et Perrot; le désordre règne partout, les ordres ne sont point exécutés, la justice est violée et le commerce est détruit; la conduite de Frontenac est la cause de cette situation alarmante; plusieurs familles songent à se retirer en France; on a maltraité son domestique, La Martinière et d'Auteuil, emprisonné Damours, arrêté le bailli de Montréal et défendu à Villeray de prendre la qualité d'écuyer; détention de son fils; les injures et les violences de Frontenac et Boisseau n'ont pas altéré sa modération; Frontenac l'a fort maltraité, parce qu'il refusait une somme considérable à La Vallière; le gouverneur se sert de son autorité pour soutenir ses intérêts et ceux de ses amis et pour intimider les peuples; envoie divers mémoires dénonçant la conduite de Perrot, La Salle, Dulhut et Boisseau; renvoie ses deux enfants pour ne pas les exposer à de nouvelles insultes.