Le Président du Conseil de Marine à M. Bigot. N'entrera pas avec lui dans le détail des différents chapitres de dépenses que contiennent ses projets d'états; ce serait bien inutile, puisqu'il ne renferment pas le quart des dépenses qui se font. Ce n'est pas d'ailleurs dans ces états que consistent les abus, c'est dans l'emploi des fonds, c'est dans les mains de ceux qui en ont les détails qu'il faut les chercher. On consomme sans ménagement, sans ordre, sans égard pour les intérêts du roi. Comment est-il possible que la petite vérole chez les sauvages ait occasionné 1 million de dépenses extraordinaires? Par qui cette dépense a t-elle été faite? Est-ce par les officiers dans les postes, les gardes magasins? Chacun est donc le maître de distribuer les effets du roi, et on en est quitte pour les passer en consommation? Comment concilier les demandes énormes d'effets qu'il fait cette année sous le prétexte de disette générale, pendant que par d'autres lettres, en apprenant la prise du fort Frontenac, il lui marque que le roi a perdu dans ce fort une quantité prodigieuse de vivres et de marchandises? Ce fort n'était pourtant pas le dépôt pour les postes des lacs Ontario, Erié et de la Belle Rivière? D'ailleurs, puisque l'on a dépensé pour un million dans les postes de l'Ouest, comment se fait-il qu'il y eut tant d'effets dans celui de Frontenac? Voit avec surprise, qu'indépendamment des approvisionnements immenses arrivés l'année dernière au Canada, et qui auraient dû être suffisants pour tous les postes, on achète des particuliers, dans ces postes mêmes, des lots considérables de marchandises. Doit penser de cette manoeuvre que les effets du roi sont censés consommés à leur arrivée et qu'on les revend au roi à des prix excessifs. N'est plus étonné des immenses fortunes que l'on voit en Canada! La liberté de disposer de tout à son gré en est la véritable cause, surtout quand on accepte sans examen les certificats des présents qu'on prétend avoir faits aux Sauvages, ou, lorsque, comme le Sieur Dauterive, commis des Trésoriers à Montréal, on est quitte pour se retirer du service. Les recherches juridiques qui vont être faites sur sa caisse, l'empèchent d'en faire un exemple. Son départ précipité de la colonie, confirme tous les soupcons. Comprend qu'il ne peut être partout et surveiller tous les détails, mais il peut choisir des hommes intègres et agir sévèrement envers les délinquants. Fabrication de billets de caisse. Instructions à cet égard. Est dans la ferme résolution de déraciner les abus. Il est certain que la colonie deviendra un fardeau insupportable si les dépenses continuent à augmenter comme elles l'on fait depuis 1755.