«Note sur les négociations relatives à la pêche de Terre-Neuve qui ont procédé ou suivi les traités de Paris (1763) et de Versailles (1783)». Avant 1763, l'Angleterre n'a pas contesté le traité d'Utrecht. Il réservait à la France la pêche de la morue près d'une partie de Terre-Neuve. Rappel des circonstances qui, après 1763, ont amené Albion à nier les droits de pêche français au nom du «principe de concurrence»: durant la guerre de Sept Ans, cessent les expéditions de pêche françaises à Terre-Neuve où se rendent les Britanniques; la paix conclue, y retournent peu de Français; en août 1763, les chassent et brûlent leurs barques les commandants de l'Arc et de la Perpsichore; contre pareil incident, la France proteste; elle détient, rappelle-t-elle à l'Angleterre, un droit de pêche exclusif entre le cap Bonavista et la Pointe-Riche; en 1763-1764, le comte de Guerchy, ambassadeur français à Londres, a ordre d'y faire des représentations; à cet effet, Louis XV lui envoie un mémoire; en 1713, y dit-il, il a renoncé à Terre-Neuve; mais d'un bout de ses côtes, il s'est réservé l'usufruit estival; les Anglais l'ont toujours admis: chaque année, l'hiver, ils prennent le loup marin sur les rives terre-neuviennes françaises; mais ils s'en éloignent au début de l'été; les ressources des lieux démontrent l'impossibilité d'y laisser opérer concurremment Français et Britanniques, ce qu'ont réalisé, sans nul doute, les négociateurs de la paix d'Utrecht qui n'ont dit mot d'une impensable compétition à Terre-Neuve; comme le fit son grand-père peu après 1748, George III devrait enjoindre à ses sujets de ne pas fréquenter l'été la berge terre-neuvienne française (fin de l'abrégé du document louisquinzien expédié à Guerchy); d'un tel texte, le cabinet anglais rejette la dialectique; aussi la France reconnaît-elle sous condition le «principe de la concurrence» en 1764; écrit alors le duc de Praslin à Guerchy: selon le ministre anglais à Versailles, les Français auraient renoncé à leur monopole de pêche à Terre-Neuve, ce qui est faux. En mars 1765, la France tente vainement de se partager les côtes terre-neuviennes avec la Grande-Bretagne. Extrait d'une lettre de Praslin à Guerchy. Elle montre la persistance de Versailles et Londres à soutenir leurs points de vue opposés. Celle-ci ne modifie en rien ses positions en 1783. À preuve, les 3 refontes successives du projet d'entente préliminaire soumis par Rayneval en novembre 1782; son 1er texte concédait aux Français l'exclusivité de la pêche à des points de Terre-Neuve; Lord Shelburne refusa ce privilège; Pity-Herbert, son plénipotentiaire à Versailles, suggéra une autre clause conçue par le comte de Grantham; la désapprouva Argennes, secrétaire d'État au ministère des Affaires étrangères; il énonça une nouvelle norme, mais accepta finalement la britannique; il l'a citée le 17 janvier 1783 dans une missive à Rayneval; George III, stipulait-elle, par une surveillance étroite, empêchera ses sujets de résider l'été où pêchent les Français à Terre-Neuve; à pareille proposition, Vergennes acquiesça, pressé de conclure la paix; l'Angleterre en profita par la suite; pour elle et jusqu'à la signature du traité de Versailles, Fox poursuivit les tractations, après lord Shelburne, lord Portland et William Pitt; à Londres, Moustier remplaça l'ambassadeur anglais en France; d'un autre jet de traité, l'on rejeta l'article 5 pour maintenir la disposition de Grantham, précitée. Citations de 3 lettres échangées entre Moustier et Vergennes en 1783, et d'une réponse de lord North adressée aux lords commissaires de l'Amirauté le 29 avril 1783: ces écrits attestent l'entêtement de Fox et de son ministère à nier tout monopole de pêche aux Français le long de Terre-Neuve; le comte d'Adhémar succéda à Moustier en mai 1783; devant lui, Fox ne plia point; à Versailles, Vergennes n'obtint rien non plus; dans l'accord prêt à signer, il proposa qu'on substitue «concurrence» à «pêche exclusive»; Fox accepta; l'on ratifia l'entente; elle n'entérinait toutefois pas le «principe de la concurrence». Les négociations postérieures à 1783: les Anglais continuent d'envahir les lieux de pêche réservés à la France, ce qu'Adhémar tente d'arrêter à Londres, sans effet; Vergennes lui envoie des instructions sur le départ imminent de pêcheurs jerseyens vers les eaux terre-neuviennes; de leur prochaine intrusion, Adhémar se plaint; lord Carmarthen évite de lui répondre; en mars 1784, il promet comme Fox, de stopper la destruction à Terre-Neuve des sécheries de poisson françaises; en 1785, l'amiral Campbell demande à des pêcheurs britanniques de quitter la côte terre-neuvienne française; ils refusent, sur l'ordre de Londres, appert-il; le 15 janvier 1786, Vergennes en avise Barthélémy; ce chargé d'affaires français en Grande-Bretagne formule un grief; on en accuse réception sans plus; ainsi, Carmarthen est prodigue en promesses mais fidèle aux vues de Fox et Grantham. Résultat des tractations antérieures aux accords de 1763 et 1783: le droit de pêche exclusif de la France à certains lieux de Terre-Neuve découle du second traité; mais l'Angleterre n'y a jamais adhéré sans réticences et en a éludé les conséquences, de 1783 à 1786.