Canada. Bureau du Commissaire aux langues officielles : Le Commissariat aux langues officielles a été créé en 1969 en vertu de la Loi sur les langues officielles (L.C. 1968-1969, chap. 54 et L.R.C. 1993, chap. O-3) et placé sous la compétence du Conseil privé (C.P. 1970-530, 24 mars 1970). La Loi et le Commissariat sont nés des recommandations de la Commission royale d'enquête de 1965 sur le bilinguisme et le multiculturalisme et de la détermination du gouvernement fédéral, après 1963, à rétablir l'équilibre linguistique national et à contrer l'attrait du séparatisme parmi la majorité linguistique du Québec. Avant 1970, aucun organisme n'avait ce mandat ou ce rôle.
Le mandat et le champ administratifs du commissaire aux langues officielles sont définis en termes très généraux. Le commissaire avait pour instructions, selon la Loi, de prendre toutes les dispositions et les mesures nécessaires, en vertu de ses compétences, pour assurer la reconnaissance du statut des deux langues officielles et le respect de l'esprit de la Loi dans l'administration des institutions du Parlement et du gouvernement du Canada (L.C. 1967-1968, chap. 54, art. 25). Il s'agit là d'un mandat ambitieux en ce qui concerne la définition des programmes, des fonctions et du rôle d'un ombudsman indépendant chargé de surveiller les institutions essentielles à la définition moderne de l'état canadien.
En théorie, le Commissariat peut enquêter et faire rapport au sujet de toute question liée aux pratiques linguistiques du secteur public fédéral ou au statut et à l'état des minorités linguistiques partout au pays. En pratique, son rôle est davantage celui d'un ombudsman que d'un organisme de surveillance réglementaire. Le Commissariat ne dispose pas de mécanismes d'application indépendants autres que la publication de rapports à l'intention du gouvernement et son recours judiciaire accru depuis 1988.
Son mandat se résume à cinq grandes fonctions et activités : recours et réparation en cas de plainte, enquêtes générales, examens et vérifications ciblés des institutions fédérales, promotion des principes et évaluation annuelle à l'intention du Parlement. Le Commissariat est d'abord chargé d'examiner les plaintes concernant l'administration des programmes des langues officielles dans le secteur public fédéral et peut aider à régler (ou régler lui-même) les litiges en cas de violation de la Loi ou de ses règlements d'application. Il peut également décider d'enquêter ou d'effectuer des recherches au sujet de toute question se rapportant aux droits prévus par la Loi. Conformément à ce mandat, le Commissariat s'est doté, pendant un certain temps d'une fonction de vérification linguistique externe officielle des ministères du gouvernement (1971-1995). Sur ces trois points, il joue en fait le rôle d'ombudsman en cas de conflit en matière de droits linguistiques quant à la langue de travail dans la fonction publique fédérale, quant au bilinguisme des services que les bureaux fédéraux offrent au public ou au statut des langues officielles en général.
Outre ces fonctions centrales, le Commissariat favorise à sa façon l'utilisation des deux langues officielles, le bilinguisme et la tolérance linguistique partout au Canada, spécialement en ce qui a trait aux minorités linguistiques. Ainsi, il adopte régulièrement des mesures s'adressant aux adultes et aux enfants et publie Langue et Société, un document interne qui favorise de façon active et engagée la compréhension et la diversité linguistique. Enfin, le Commissariat présente au Parlement un rapport annuel indépendant dans lequel il évalue la santé et la vitalité des principes du bilinguisme dans la fonction publique fédérale et dans la société canadienne en général.
Le Commissariat ne gère pas les programmes fédéraux des langues officielles tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la fonction publique. Le Conseil du Trésor administre un régime d'imputabilité au sein de la fonction fédérale afin d'assurer leur observation. En vertu d'une délégation de pouvoir, les administrateurs généraux ou leur équivalent administrent dans le secteur public les programmes dont le Conseil du Trésor fixe les principes et les normes conformément à la loi (donnant lieu à un régime autoréglementé et responsable de bilinguisme "institutionnel"). Avant 1993, le Secrétariat d'État était responsable des programmes d'aide aux minorités linguistiques, de sensibilisation, de promotion et d'immersion en français, mais depuis 1993 c'est le ministère du Patrimoine qui les administre. Le Commissariat peut enquêter au sujet de toutes les questions concernant ces programmes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la fonction publique, et des pratiques parlementaires liées aux deux langues officielles et faire une évaluation indépendante. En pratique, l'interaction avec les hauts fonctionnaires ministériels et le Conseil du Trésor en tant qu'organisme coordonnant l'ensemble du régime est très grande.
Dans un sens, le Commissariat a évolué et changé depuis sa création et chacun de ses quatre commissaires successifs a trouvé des façons novatrices de vaincre les obstacles s'opposant à la réalisation de son vaste mandat ou de réagir aux circonstances changeantes qui ont nécessité la modification des programmes et des activités. Le mandat des quatre premiers commissaires, Keith Spicer (1970-1977), Max F. Yalden (1977-1984), D'Iberville Fortier (1984-1991) et Victor C. Goldbloom (1991- ) a défini de nettes différences de style et d'intérêt au cours de leur période d'occupation du poste.
Au cours de ses 20 premières années, le Commissariat a dû traiter avec l'ambiguïté de la loi originale et l'implantation précoce du programme dans la fonction publique fédérale, la désillusion générale des anglophones et des francophones et un chaud contexte de la politique extérieure souvent contraire à l'esprit et aux principes de la Loi sur les langues officielles. La résolution parlementaire du 6 juin 1973 sur le bilinguisme a tenté de préciser les fondements et les principes nécessaires à la mise en oeuvre de la politique des langues officielles dans la fonction publique ainsi que la base de résolution des plaintes en vertu de la loi, conformément aux principes de l'offre active de services, de la langue de travail et d'une participation équitable. Depuis 1980, le Comité mixte parlementaire des langues officielles (d'abord spécial, puis permanent à partir de 1984) sert de tribune permettant au commissaire d'exposer ses préoccupations.
Le changement le plus important du cadre constitutionnel à l'intérieur duquel oeuvre le Commissariat a été l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 et l'enchâssement des droits linguistiques fondamentaux de la Loi sur les langues officielles dans la Charte des droits. La Charte des droits et la loi révisée de 1988 enchâssaient, codifiaient et, dans une certaine mesure, étendaient les dispositions de la loi originale et les normes pratiques élaborées par le Conseil du Trésor au cours des 16 années précédentes, mais la loi modifiée ne changeait en rien les principes et les objectifs définis en 1969. Après la révision de la Loi sur les langues officielles, en 1988, le Commissariat a disposé d'un meilleur recours pour régler les litiges en cas de présumée violation de la Loi (les décisions du commissaire sont également devenues susceptibles d'appel à la Cour fédérale). La Loi révisée assurait au mandat du commissaire une base juridique lui permettant de mieux favoriser la dualité linguistique. Les ambiguïtés inhérentes à l'administration de la Loi dans la fonction publique fédérale et à l'intérieur du cadre géolinguistique asymétrique du pays continuent de rendre difficile l'évaluation du rôle précis du Commissariat tout en assurant sa pertinence face à la question primordiale de l'unité nationale.
Le Commissariat constitue un ministère (C.P. 1970-102, 21 avril 1970) et son commissaire a le statut d'administrateur général recevant, en vertu de la Loi, un salaire de juge. Le Commissariat a une structure indépendante du gouvernement élu. Quant au commissaire, contrairement aux administrateurs généraux ordinaires, il occupe son poste " à titre inamovible " pour une période de sept ans (avec, en théorie, possibilité d'un seul renouvellement) et relève directement du Parlement. Le Commissariat a instauré un réseau de cinq bureaux régionaux : le premier à été ouvert à Moncton en 1977, et le deuxième à Winnipeg en 1978 et, en 1986, trois bureaux ont été mis sur pieds à Montréal, Edmonton et Toronto. D'autres centres ont également été ouverts (à temps partiel) depuis 1987-1988. Pendant un certain temps, il y a eu un bureau à Sudbury, mais il a depuis été fusionné avec celui de Toronto.