Canada. Commission royale d'enquête sur des questions concernant une certaine Gerta Munsinger : La Commission d'enquête sur des questions concernant une certaine Gerta Munsinger a été créé en vertu du décret du conseil C.P. 482, 14 mars 1966, en vertu de la Partie 1 de la Loi sur les enquêtes (S.R.C., 1952, ch. 154) et sur la recommandation du premier ministre. La Commission était mandatée pour enquêter et de faire rapport sur une déclaration du ministre de la Justice au premier ministre, dans une lettre du 11 mars 1966, à propos d'une affaire mettant en cause une certaine Gerta Munsinger, laquelle lettre a été lue à la Chambre des communes le 11 mars 1966; sur toutes les déclarations faites à la Chambre des communes les 4 et 7 mars 1966 concernant cette affaire; et sur toutes les déclarations du ministre de la Justice lors d'une conférence de presse le 10 mars 1966, lesquelles, entre autres, comprenaient des déclarations au sujet de personnes impliquées dans cette affaire, du défaut de demander l'avis des conseillers juridiques du ministère de la Justice, ainsi que de circonstances qui peuvent avoir constitué un danger pour la sécurité du Canada, et suivant lesquelles déclarations l'on ne s'est pas occupé de cette affaire comme il se devait; de s'enquérir si l'on a traité cette affaire selon les règles et principes qui s'appliquent normalement aux personnes ayant accès aux renseignements confidentiels, et de faire enquête sur toutes les circonstances pertinentes qui y ont trait et, en particulier, d'examiner complètement tous les rapports soumis au gouvernement ou à tout membre du gouvernement de l'époque et toute preuve déposée devant eux à cet égard ainsi que toute autre preuve découverte par le Commissaire ou à lui soumise. Le commissaire était Wishart Flett Spence. Le secrétaire était J.J. Pierre Benoit.
Le 28 juin 1960, Gerta Munsinger demandait la citoyenneté canadienne. Conformément aux procédures, sa demande était transmise à la GRC pour contrôle de sécurité. Après enquête, la GRC découvrit qu'une certaine Gerta Heseler (aussi connue sous le nom Gerta Munsinger) s'était vu refuser un visa d'immigration au Canada en 1952, du fait de ses activités d'espionne. Elle avait également été accusée de prostitution, de vol et de contrebande. Toutefois, en 1955, elle avait obtenu un visa pour entrer au Canada sous son nom de femme mariée, Gerta Munsinger.
En novembre 1960, la GRC interrogea Munsinger et la garda sous surveillance jusqu'à ce qu'elle quitte le Canada pour l'Allemagne, le 5 février 1961. A la suite de son enquête, la GRC établit que Munsinger avait travaillé à Montréal dans diverses boîtes de nuit tenues par des escrocs ou des personnes associées à des trafiquants de drogues. Elle apprit aussi que Munsinger se prostituait, et acquit la conviction que cette personne avait eu des relations sexuelles illicites avec Pierre Sévigny, ministre adjoint de la Défense nationale, et qu'elle connaissait d'autres ministres du Cabinet fédéral.
De plus, on découvrit qu'en 1960 Pierre Sévigny avait demandé à son attaché de direction, Gaston Lévesque, d'intervenir auprès du ministère de la Citoyenneté et de l'immigration en faveur de la demande de citoyenneté canadienne déposée par Munsinger.
Plus encore, la GRC s'aperçut que le bureau d'une société qui faisait affaire avec les pays du bloc communiste se trouvait dans l'immeuble même où vivait Munsinger à Montréal et que celle-ci avait accès à l'ensemble de l'immeuble.
La GRC conclut que Munsinger représentait un danger pour la sécurité nationale pour les raisons suivantes : elle pouvait avoir été envoyée au Canada par les agents des services secrets soviétiques pour y mener des activités d'espionnage; ses anciennes activités d'espionnage en faveur des Soviétiques la désignaient vraisemblablement pour être à nouveau recrutée par eux; les personnes qu'elle fréquentait à Montréal étaient vulnérables au chantage de la pègre.
Le 7 décembre 1960, la GRC informa E. Davie Fulton, ministre de la Justice, de l'affaire Munsinger. Le 12 décembre, Fulton avertit le premier ministre Diefenbaker. Après lecture du rapport de la GRC sur Munsinger, Diefenbaker demanda à Sévigny de rompre toute relation avec cette personne.
Convaincu que la sécurité n'avait pas été compromise, le premier ministre permit à Sévigny de rester au Cabinet, et l'affaire en resta là. En novembre 1964, le premier ministre Lester B. Pearson demanda à la GRC des informations sur toutes les enquêtes touchant à la conduite des députés ou des ministres dans l'accomplissement de leurs fonctions au cours des dix dernières années. La GRC remit donc au premier ministre une copie de leur rapport sur Munsinger et on n'entendit plus parler de cette affaire avant le début de 1966.
Le 4 mars 1966, dans un débat à la Chambre des communes sur l'attitude du gouvernement face à une question de sécurité qui impliquait George Victor Spencer, le ministre de la Justice, Lucien Cardin rappela ce qu'il appela erronément l'affaire "Monseignor". Lors de débats subséquents aux Communes et, le 10 mars, dans une conférence de presse, Cardin accusa Diefenbaker d'avoir négligé, étant premier ministre, de transmettre le rapport de la GRC sur l'affaire Munsinger au ministère de la Justice pour obtenir des avis. En outre, Cardin affirma que le gouvernement Diefenbaker n'avait pas fait le nécessaire dans une affaire susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale. Cardin demanda que cette affaire et les autres allégations relatives aux relations d'anciens ministres du gouvernement Diefenbaker avec Munsinger, fassent l'objet d'une enquête judiciaire. Le 14 mars 1966, le gouvernement du Canada établissait la Commission royale d'enquête chargée d'enquêter et de faire rapport sur l'affaire Munsinger. (Voir Rapport de la Commission d'enquête sur certaines questions relatives à la dénommée Gerta Munsinger, Ottawa: Imprimeur de la Reine, 1966; Chambre des communes, Debates 4, 7 et 11 mars 1966, p. 2211, 2299, 2542 et 2545 et conférence de presse sur l'affaire Munsinger tenue par Lucien Cardin le 10 mars 1966).
La commission tint des audiences publiques et des audiences à huis clos à Ottawa, du 6 avril au 24 mai 1966. Elle reçut 31 pièces à conviction. Collection de l'inventaire général de RG33-96.