Jeanniot, Pierre J, 1933- : Né à Montpellier en 1933, ayant vécu dans son enfance et une partie de sa jeune adolescence en Éthiopie, en Italie et en France, puis ayant émigré finalement au Canada en 1947 avec sa mère, c'est principalement en tant que président et chef de la direction d'Air Canada de 1984 à 1990, et artisan de la privatisation de la compagnie en 1988,que Pierre Jeanniot peut être considéré comme un acteur ayant un joué un rôle représentatif dans la société et l'histoire canadiennes. Mais ses réalisations débordent largement ce cadre. Nous évoquerons ici brièvement les moments importants qui ont précédés et suivis cette période et qui permettent de prendre encore mieux la mesure de l'importance de sa contribution pour la société canadienne.
Avant de devenir président d'Air Canada, Pierre Jeanniot contribua de façon significative pendant près de 30 ans au développement de cette compagnie aérienne. Faisant d'abord ses débuts en 1955 comme technicien junior (pour ce qui s'appelait à l'époque la Trans-Canada Airlines), il gravit rapidement les échelons au cours de ses 4 premières années devenant technicien, premier technicien puis superviseur de la qualité. Dans le cadre de ses fonctions, son intérêt pour la recherche opérationnelle («Operations Research») l'amène rapidement à se démarquer. Cette nouvelle discipline développée dans le domaine militaire en 1940 en Angleterre, puis dans le domaine industriel aux États-Unis en 1949, est, selon la définition qu'il en donne lui-même dans un article de 1963, «l'application de méthodes scientifiques dans l'étude des problèmes administratifs». Il utilise, entre autres, cette approche théorique en vue d'établir la séquence de remplacement des moteurs et de certaines pièces. C'est ainsi qu'il développe l'« Engine Repair Overhaul Simulation» (EROS) qui devient une référence pour les lignes aériennes. En 1964, il se fait remarquer en ayant l'idée du « Flight Data Recorder » (FDR) (mieux connu par la suite sous l'appellation de « boîte noire ») en perfectionnant et en adaptant à des fins d'analyse des causes des accidents d'avion une technologie d'enregistrement de certains paramètres de vols d'abord destinée à l'entretien des appareils. D'autre part, parallèlement à son travail chez Air Canada, il participe à des groupes de niveau international portant sur la recherche opérationnelle. Reconnu pour ses compétences dans cette discipline ainsi qu'en informatique, il est choisi, en 1969, comme membre du comité technologique procédant à la mise en place du système informatique de l'Université du Québec. Suite à cette réalisation, on lui offre de devenir le premier vice-président de cette université, mais il accepte finalement une offre d'Air Canada pour devenir vice-président des systèmes informatiques. Il ne quittera jamais vraiment toutefois l'Université du Québec, car il sera président du conseil d'administration de 1972 à 1978, puis chancellier de l'institution de 1995 à 2008.
Approfondissant son intérêt pour la planification stratégique d'affaire, il développe à Air Canada le premier plan quinquennal de l'institution et met en place le Bureau de planification générale (« Corporate Planning Office »). Il met également en place le système des réservations en ligne Reservec II en 1973. En 1976, en réaction à ce qui fut appelé la Crise des gens de l'air, causée par la prédominance de l'anglais au sein de l'entreprise, il fait preuve de leadership en mettant en place un programme de francisation des activités d'Air Canada au Québec (et ce avant même l'adoption de la Charte de langue française (ou loi 101) le 26 août 1977). À partir de cette époque, il commence à jouer un rôle de premier plan au niveau des relations publiques de l'entreprise. À la fin des années 1970, il met en place le système de carte de crédit en Route. Il est aussi à noter qu'au début des années 1980, Pierre Jeanniot fera oeuvre de pionnier en mettant en place les premiers vols non-fumeurs dans l'industrie de l'aviation. En 1979, il est nommé Vice-président Marketing, planification et développement puis en mai 1984 il accède finalement à la plus haute fonction en étant nommé président et chef de la direction et devient ainsi le premier président francophone de l'histoire de l'entreprise. Sa contribution principale à titre de président sera de réaliser la privatisation de la compagnie. Cette dernière sera réalisée en 1988 et sera facilitée par l'accueil favorable du parti Progressiste-Conservateur, alors au pouvoir, à une déréglementation du ciel canadien. Il démissionnera finalement de son poste en 1990, suite à une divergence de vision entre lui et les autres membres de la direction. Suite à cette démission, il commencera à offrir ses services comme consultant en gestion. Il démarrera ainsi son entreprise de consultation Jeanniot Investissement, Management et Gestion (JINMAG).
En janvier 1992, commence un autre volet important de la carrière de Pierre Jeanniot qui l'amènera à jouer un rôle de premier plan au niveau international. Il est en effet alors approché pour occuper le poste de direction de l'IATA (International Air Transport Association). À titre de président de cette importante organisation, fondée en 1945 en même temps que l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) (dans la foulée la convention de Chicago de 1944), il fera preuve d'un important leadership. Il élabore d'abord un plan stratégique visant à débureaucratiser l'entreprise. Il vise de plus à ce que l'IATA devienne un organisme international efficace, autonome et respecté. C'est à ce moment que son influence sur la scène internationale commence à se faire sentir. Dans un important discours prononcé à Amman en 1997, il s'attaque aux problèmes de la sécurité aérienne, des infrastructures déficientes et du respect de l'environnement. Afin de s'attaquer au problème des files d'attente, il participe à l'établissement du premier système de billets électroniques et de pré-enregistrement. Avec l'aide du président américain Bill Clinton, il fait également la promotion de la sécurité aérienne en Afrique et participe à l'élaboration du programme Safe sky for Africa. Il s'attaque de plus au problème du survol de l'espace aérien de la Corée du Nord, du blocage des fonds des compagnies aériennes en Lybie et en Iran, ainsi que plusieurs autres problèmes d'envergure internationale. Il acquiert ainsi progressivement le titre de « Maître des airs ». Toujours en poste lors des événements du 11 septembre 2001, il orchestre le détournement et coordonne les atterrissages de milliers d'appareils, suite à la fermeture de l'espace aérien des États-Unis. Le 4 juin 2002, il quitte finalement son poste de directeur de l'IATA et obtient le titre honorifique de « Directeur général Emeritus à vie ».
Par la suite, il continue de participer en tant que conseiller, consultant ou président de conseils d'administration aux activités de nombreuses entreprises reliées au domaine de l'aviation. Il en profite pour continuer à faire valoir ses points de vue sur la sécurité et la protection de l'environnement. Depuis 2006, il est président de la World Air Transport Forum (WAF) et depuis 2003, il est également président de la fondation sur les antiviraux (FAV).
La brillante carrière de Pierre Jeanniot lui a valu d'être nommé officier de l'Ordre du Canada en 1989 et chevalier de l'Ordre national du Québec en 2002. Deux doctorats honoris causa lui furent de plus octroyés : un par la Faculté de commerce et d'administration de l'Université Concordia en 1997 et un autre par la Faculté de gestion de l'Université McGill en 2006.
