Canada. Commission d'enquête sur les criminels de guerre : La Commission d'enquête sur les criminels de guerre a été créé en vertu du décret du conseil C.P. 348, 7 février 1985, en vertu de la Partie 1 de la Loi sur les enquêtes (S.R.C., 1970, ch. 1-13) et sur la recommandation du premier ministre. Le texte français de ce décret fut révoqué par le décret C.P. 635, 28 février 1985, et une nouvelle version fut approuvée. Par ailleurs, la date de soumission du rapport du commissaire au gouverneur en conseil fut modifiée par les décrets suivants : C.P. 3642, 12 décembre 1985; C.P. 1333, 5 juin 1986; et C.P. 2255, 30 septembre 1986. La Commission était mandatée de procéder à toutes enquêtes nécessaires sur les criminels de guerre au Canada, et notamment, rechercher si des criminels de guerre résident actuellement au Canada et, le cas échéant, déterminer quand et comment ceux-ci y sont entrés, afin d'être en mesure de présenter au Gouverneur en conseil des suggestions et recommandations sur les dispositions à prendre au Canada pour traduire en justice les criminels de guerre pouvant y résider, et de préciser les mécanismes juridiques existants qui pourraient être utilisés à cette fin ou, à défaut, ceux qu'il y aurait lieu pour le Parlement canadien d'instituer par voie législative. Le commissaire était Jules Deschênes. La secrétaire était Karen D. Logan.
Le rapport Deschênes résume comme suit les événements qui ont mené à la création de la Commission d'enquête sur les criminels de guerre:
Peu après la Seconde Guerre mondiale, les crimes commis par les criminels de guerre nazis contre des membres des Forces armées canadiennes furent soumis à la justice européenne; les Forces armées canadiennes engagèrent quatre procès impliquant sept accusés; au moins six autres procès mettant en cause 28 accusés furent intentés par les Forces armées britanniques au nom du Canada.
En 1948, l'Overseas Reconstruction Committee du Cabinet britannique décida qu'aucun autre procès contre des criminels de guerre ne serait ouvert après le 31 août 1948. Le gouvernement britannique expliquait sa décision en disant que la punition des criminels de guerre était plus une question de dissuasion des générations futures que d'imposition de châtiment à toutes les personnes coupables. De plus, compte tenu de l'évolution politique probable de l'Allemagne évoquée lors de conversations tripartites, le gouvernement britannique se disait convaincu de la nécessité de se libérer au plus vite de ce passé.
Consultés, les sept Dominions, comme on les appelait alors, à savoir, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, l'Inde, le Pakistan et Ceylan, se rangèrent au point de vue britannique.
Les poursuites contre les criminels de guerre cessèrent au Canada jusqu'en 1980, date à laquelle Robert Kaplan devint Solliciteur général.
En mai 1983, Helmut Rauca, un ancien officier SS, fut extradé du Canada vers l'Allemagne de l'Ouest pour crimes de guerre, et fit l'objet de poursuites judiciaires, mais il mourut en prison avant la tenue du procès.
Par ailleurs, dans une lettre du 20 décembre 1984 au premier ministre Mulroney, Sol Littman, représentant canadien du Simon Wiesenthal Centre for Holocaust Studies de Los Angeles, alléguait que Jose Mengele, présumé criminel de guerre nazi (sous le nom de Dr. Jose Menke), avait déposé, fin mai ou début juin 1962, à l'ambassade du Canada à Buenos Aires une demande d'admission au Canada à titre d'immigrant reçu (il est intéressant de noter que la Commission Deschênes est arrivée à la conclusion que les allégations de Littman n'étaient pas fondées). Littman demandait une enquête immédiate. Le 23 janvier 1985, le New York Times publiait un article de Ralph Blumethal sur l'affaire Mengele, d'après des renseignements fournis par Littman.
Deux semaines plus tard, le gouvernement canadien établissait une commission d'enquête chargée de déterminer si Mengele était entré au Canada ou avait cherché à y entrer.
Pour certains, l'établissement par le gouvernement canadien d'une enquête publique sur les criminels de guerre était le fruit des accusations de Littman. Dans son rapport sur les criminels de guerre, Jules Deschênes écrit plutôt que les allégations relatives aux relations de Mengele avec le Canada avaient été la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase: l'affaire devait être tirée au clair sans plus tarder et une fois pour toutes.
Mais la question de l'éventuelle entrée de Mengele au Canada n'était qu'un des sujets que le gouvernement demanda à M. Deschênes d'examiner et ce n'était pas l'aspect le plus important de l'enquête. L'enquête devait déterminer "s'il était possible que d'autres personnes responsables de crimes commis dans le cadre des activités de l'Allemagne nazie durant la Deuxième Guerre mondiale (ci-après appelés "criminels de guerre") se trouvent actuellement au Canada", et ce qui pouvait être fait pour les soumettre à la justice. David Matas conclut qu'on ne peut attribuer l'établissement de cette enquête à un seul facteur, mais que de nombreux éléments y ont contribué: les demandes de plusieurs citoyens préoccupés, le flot d'allégations portées contre des suspects au cours des dernières années, la menace du néo-nazisme concrétisée dans les procès du dénégateur de l'Holocauste, Ernst Zundel, en Ontario, et du professeur d'école secondaire, Jim Keegstra, en Alberta. Les renseignements relatifs à l'éventuelle entrée de Josef Mengele au Canada constituaient eux aussi un facteur, de même que l'élection d'un nouveau gouvernement qui acceptait de s'attaquer publiquement à une question que les précédents gouvernements avaient préféré garder dans l'ombre (voir Commission d'enquête sur les criminels de guerre, Rapport, 1ère partie: publique, Jules Deschênes, commissaire, Ottawa, Canada, 30 décembre 1986, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1986, p. 25-33, 67-82 et 245; décret du conseil C.P. 348, 7 février 1985, et David Matas, Justice Delayed: Nazi War Criminals in Canada, Toronto, Summerhill Press, 1987, p. 151-162).
La commission tint ses audiences du 10 avril au 6 décembre 1985 à Montréal, Hull, Ottawa, Toronto et Winnipeg. Des audiences supplémentaires eurent lieu à Hull, les 5 et 6 mai 1986. Collection de l'inventaire général de RG33-144.