Commission d'enquête sur le bilinguisme dans les services de contrôle de la circulation aérienne au Québec (Canada) : La Commission d'enquête sur le bilinguisme dans les services de contrôle de la circulation aérienne au Québec a été créé en vertu du décret du conseil C.P. 1576, 23 juin 1976 (révoqué par le décret C.P. 1588 du 28 juin 1976) en vertu de la Partie 1 de la Loi sur les enquêtes (S.R.C.., 1970, ch. 1-13) et sur la recommandation du ministre des Transports. Modifié par le décret C.P. 2251, 14 septembre 1976 et par le décret C.P. 1265, 12 avril 1979. La Commission était mandatée pour enquêter sur la sécurité de l'introduction du bilinguisme dans les services de contrôle des vols aux instruments au Québec, et faire rapport sur les répercussions éventuelles sur la sécurité aérienne, les coûts de mise en oeuvre et l'efficacité d'exploitation, ainsi que sur les procédures (et leur méthode d'élaboration) mises au point par le ministère des Transports en collaboration avec les associations de l'aviation et l'industrie aéronautique, et ainsi que sur toute autre question pouvant influer sur l'adoption graduelle du bilinguisme dans les services de contrôle de la circulation aérienne au Québec, et plus particulièrement sur: (a) les paramètres de l'étude de procédures que doit effectuer le ministère des Transports grâce à un simulateur électronique de contrôle de la circulation aérienne; (b) la documentation requise concernant les différentes procédures élaborées, en vue de faciliter l'évaluation de ces procédures; (c) le déroulement détaillé des études effectuées par le ministère des Transports ainsi que la participation qu'y ont apportée les représentants des associations et de l'industrie aéronautique en exerçant au besoin un contrôle, par l'intermédiaire de conseillers techniques spécialement nommés si nécessaire, et au moyen de recommandations provisoires faites au ministère des Transports, aux associations de l'aviation et à l'industrie aéronautique; (d) les procédures pour les vols aux instruments mises au point à la suite de ces études, ainsi que les opérations de vol à vue dans les zones terminales de Dorval et de Mirabel et dans la zone de contrôle de Saint-Hubert, quant à la pertinence des méthodes utilisées dans l'élaboration et la vérification des procédures et à leurs répercussions éventuelles sur la sécurité de l'aviation, les coûts de mise en oeuvre et l'efficacité d'exploitation; et (e) les questions pertinentes pouvant être soulevées au cours de l'enquête et qui, de l'avis des commissaires, doivent figurer dans le rapport. Les commissaires étaient William Robert Sinclair, Julien Honoré Chouinard et Darrel Verner Heald. Les secrétaires étaient J. Marcel Richard et O.F. Plouffe.
L'intention du gouvernement du Canada de permettre l'utilisation du français dans les communications aériennes au Québec a suscité un âpre conflit entre les pilotes anglophones, les pilotes francophones et les contrôleurs du trafic aérien, et a mené à une grève nationale en 1976. A partir des années 1970, le Québec se mit graduellement à exiger des contrôleurs de l'air qu'ils soient bilingues, exigence implantée définitivement dans la province en 1973. En juin 1974, le ministère des Transports autorisa l'utilisation du français, aussi bien que de l'anglais, dans les services de contrôle des vols à vue dans cinq petits aéroports du Québec: Québec, St-Jean, Baie Comeau, Sept-Iles et St-Honoré. En outre, le 13 décembre 1975, le ministre des Transports, Otto Lang, confirma la détermination du gouvernement fédéral à autoriser le bilinguisme dans les services de contrôle de la circulation aérienne dans les cas de vols aux instruments et de compagnies d'aviation commerciales. Le 12 mai 1976, le bilinguisme devint la pierre d'achoppement des négociations de contrats entre les contrôleurs de la circulation aérienne et le gouvernement du Canada. A cette époque, une commission de conciliation recommanda la tenue d'une enquête publique chargée d'étudier toutes les questions de langue et de sécurité dans le contrôle aérien. Le 13 mai, le gouvernement nommait donc John T. Keenan aux fonctions de commissaire pour "faire enquête sur la sécurité de l'introduction du bilinguisme dans les services de contrôle des vols aux instruments dans la province de Québec et faire rapport sur les répercussions éventuelles sur la sécurité aérienne, les coûts de mise en oeuvre et l'efficacité d'exploitation, ainsi que sur les procédures (et les méthodes qui ont présidé à leur élaboration) mises au point par le ministère des Transports en collaboration avec les associations de l'aviation et avec l'industrie aéronautique".
La plupart des contrôleurs anglophones, représentés par l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien (CATCA), et des pilotes, représentés par l'Association canadienne des pilotes de lignes aériennes (CALPA), s'opposaient pour des raisons de sécurité à l'introduction du français dans le contrôle de la circulation aérienne dans les vols aux instruments. De plus, les contrôleurs s'élevaient contre le mandat de la Commission Keenan, parce qu'ils voulaient que la commission examine les problèmes de sécurité pour tous les types de vol. La CATCA réussit à obtenir de ses membres un vote de grève qui devait prendre effet le 31 mai. A l'opposé, les contrôleurs et les pilotes francophones, représentés par l'Association des gens de l'air du Québec (AGAQ), soutenaient que les risques pour la sécurité avaient été exagérés et que la vraie question concernait l'utilisation du français dans les services de contrôle de la circulation aérienne aux instruments.
Bien que le gouvernement du Canada ait accepté de revoir le mandat de l'enquête pour le rendre plus acceptable aux contrôleurs et aux pilotes, l'AGAQ ne pouvait admettre la nomination de Keenan aux fonctions de commissaire, parce qu'il avait été conseiller de la CALPA. Keenan démissionna donc le 7 juin, mais, une fois encore, la CATCA vota en faveur d'une grève nationale. Malgré une injonction du tribunal ordonnant aux contrôleurs de rester au travail, une grève spontanée eut lieu le 20 juin et, le lendemain, le trafic aérien était à toutes fins pratiques interrompu au Canada. Menacés de poursuite, les contrôleurs retournèrent au travail. Les perturbations du transport aérien se prolongèrent toutefois, la CALPA ayant demandé à ses pilotes de défier l'injonction du tribunal et de ne pas voler. De plus, plusieurs compagnies aériennes internationales, dont une dizaine de compagnies américaines, refusèrent d'atterrir au Canada.
Le 23 juin, le gouvernement du Canada annonça une nouvelle enquête publique sur la question du bilinguisme dans les services de contrôle de la circulation aérienne aux instruments dans la province de Québec. Le mandat était analogue à celui de l'enquête Keenan, mais aucune étude des coûts de mise en oeuvre n'était prévue. Après l'annonce de l'enquête, le premier ministre Trudeau demanda la cessation de la grève. Il promit qu'aucune nouvelle procédure de contrôle aérien bilingue ne serait adoptée, à moins que la commission d'enquête conclue que les normes de sécurité établies n'en seraient aucunement affectées. La majorité des membres de la CATCA et de la CALPA jugèrent le mandat de l'enquête inacceptable et, quelques jours plus tard, le décret qui l'avait instituée fut révoqué. Les syndicats se montraient méfiants à l'égard du gouvernement qui leur semblait déterminé à étendre le bilinguisme dans les communications aériennes, la sécurité dût-elle en souffrir.
Les négociations entre le ministère des Transports et les représentants de la CATCA et de la CALPA se poursuivirent. Le 28 juin, elles débouchèrent sur une entente qui mettait fin à la grève. Une fois encore le gouvernement établit une enquête publique chargée d'évaluer les procédures de communication bilingues au Québec mises au point lors de tests de simulation effectués par le ministère des Transports. L'enquête demandait aux commissaires de justifier "hors de tout doute raisonnable" que les mesures prévues pourraient être implantées en toute sécurité. Le mandat incluait aussi une clause relative aux coûts de mise en oeuvre.
De plus, le ministre des Transports et les représentants de la CATCA et de la CALPA signèrent un protocole d'entente demandant que le rapport de la commission reflète une opinion unanime, et que les recommandations soient soumises à un vote parlementaire, libre de toute discipline de parti.
Le 29 juin, la circulation aérienne au Canada revenait à la normale. La CATCA et la CALPA promirent de collaborer pleinement avec l'enquête, mais l'Association des gens de l'air du Québec, très hostile à cette entente, resta plusieurs mois sans participer. Les membres québécois du Parti libéral à Ottawa étaient également opposés à l'entente du 28 juin. Craignant que la grève se poursuive, le premier ministre Trudeau les persuada de l'accepter, mais Jean Marchand, ministre de l'Environnement et ancien ministre des Transports, démissionna. Il ne fait pas de doute que cette crise rassembla les francophones, parce que, tout au long de cette lutte sur les droits linguistiques, plusieurs Anglo-Canadiens se montrèrent très critiques à l'égard du programme de bilinguisme et exprimèrent des sentiments fortement anti-français. Comme l'écrivait la Canadian Annual Review, tous ceux qui ont vécu cette crise ne pouvaient échapper à la conclusion que l'opinion publique canadienne, telle qu'elle s'exprimait entre les lignes des éditoriaux, dans le flot de lettres envoyées aux rédacteurs de presse et aux députés, dans les émissions de ligne ouverte et dans les rues, était fondamentalement critique à l'égard du bilinguisme, sinon carrément hostile au français, et qu'elle appuyait les pilotes, non pas tant parce qu'elle comprenait l'argument de la sécurité, mais parce que ceux-ci prenaient position sur une question fondamentale (Voir: Canadian Annual Review, 1976, p. 54-83 et coupures de presse, RG 33/121, vol. 24-29).
La commission tint ses audiences à Montréal du 10 janvier au 25 mars 1977 et du 5 février au 5 avril 1979. Elle reçut 38 mémoires et 363 pièces à conviction.
Dans le cadre de cette enquête, les commissaires, les membres de leur personnel ou des conseillers techniques mandatés par la commission visitèrent des centres de contrôle de la circulation aérienne et des installations terrestres dans les aéroports de divers pays, dont les États-Unis, le Japon, le Brésil, le Mexique, l'Italie, la Suisse, l'Allemagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas. Collection de l'inventaire général de RG33-121.