Le fonds se compose de 225 albums, prenant la forme de journaux illustrés de photographies qui documentent les activités et les projets du photographe Dave Heath entre le 1er janvier 1974 et le 23 février 2016. Chaque journal couvre une période variant d'un mois à plusieurs années. Les dix premiers sont plus grands que les autres; l'auteur leur a donné un titre alors que le reste de la collection n'en a pas. Le dernier journal (du 1er décembre 2015 au 23 février 2016) est inachevé. Une boîte contient environ 223 feuilles volantes (8,5 x 11 po), imprimées pour être ajoutées au volume 225. Le volume 224 est un grand livre de 7 x 9 po, qui relate le voyage de Heath à New York en 2000.
Les journaux sont rangés dans des boîtes individuelles et classés par ordre chronologique, avec des inscriptions de longueurs variables. Ils se composent en moyenne de 71 % d'oeuvres photographiques de David Heath, de 21 % de reproductions tirées de livres ou de magazines et de 8 % de textes rédigés par Heath.
Vus de l'extérieur, les journaux semblent identiques avec leur couverture noire, plus grande que le dos du livre. Ils sont remplis d'images disposées de manière précise sur divers supports. Certains débutent par un texte, d'autres par une coupure de journal, de livre ou de magazine, une gravure, une photographie historique ou une photo prise par Heath lui-même.
Composées à partir de ses inspirations, de ses instincts créatifs et de ses réflexions sur des thématiques qui lui sont chères, les pages de ces journaux abordent par l'image ou le texte un éventail de sujets. Heath se questionne sur son identité en tant qu'expatrié américain vivant à Toronto, sur la ville, la vie urbaine et sa condition d'artiste au Canada. Il s'inspire aussi de son histoire personnelle : la perte de sa famille, le fait d'avoir été abandonné et son identité juive. Sa prédisposition à subir des périodes de profonde dépression, son désir de créer des oeuvres d'art, de transmettre ses connaissances et d'inspirer d'autres personnes grâce à l'art et à l'enseignement, son anxiété par rapport à ses relations avec les femmes, tout cela est abondamment traité.
« Je me suis dit que si je commençais à mettre mes réflexions par écrit, je pourrais, dans à peu près 10 ans, les reprendre et les organiser en un traité théorique sur le langage de la photographie. » (David Heath, traduction d'un extrait du journal no 1)
Au début, Heath utilise les journaux pour présenter et organiser ses réflexions sur la photographie. Avec le temps, il se met à écrire, recueillir et classer de manière compulsive les pensées, idées, convictions, peurs, rêves ou désirs qui lui viennent en dormant ou lorsqu'il est éveillé.
La présentation finale de chaque journal est technique, planifiée; l'agencement des images et des textes est aussi rigoureux que pour un film. Heath aime jouer avec la juxtaposition d'images et les photomontages. Dans l'ensemble, ses journaux sont, comme il le souhaitait, une voix témoignant de son époque, un portrait culturel, un croquis d'une époque et d'un lieu.
Les journaux fournissent à Heath une trame autoconstructive à sa vie, qui rappelle l'obsession de Peter Beard pour les documents éphémères et la confection de journaux (décrite par Heath dans le journal no 125). Ils nous offrent un rare aperçu du processus de création vu par l'artiste. La psyché de Heath nous est révélée, et la difficulté de bâtir et de poursuivre une carrière vouée à la création se manifeste de manière brillante et prophétique.
Un artiste, un élève de Heath, ou quiconque oeuvre dans le domaine artistique trouvera dans ces journaux une source inestimable de réflexion sur l'artiste dans la société, sur la muse créatrice et sur le difficile équilibre que tout artiste doit maintenir entre le désir de créer et la nécessité de gagner sa vie. Les journaux nous font entrer dans la vie de David Heath, le photographe, à une époque où il ne produisait et n'exposait plus beaucoup de photographies.
Au cours des 40 années que couvrent les journaux, Heath devient un créateur de journal compulsif, et son obsession pour les journaux et la photographie Polaroid devient son art et sa passion. Incapable de s'en tenir à une seule photographie, Heath se consacre à l'exploration du potentiel expressif des regroupements d'images interreliées, utilisant plusieurs médias et formes visuelles.
Sa première maquette, intitulée 3, est constituée de trois photographies distinctes, vaguement reliées conceptuellement et visuellement. Heath la décrit comme « une tentative pour ressentir quelque chose à propos des formes de relation entre les images » (Dave's Story, par William S. Johnson). La disposition des images sur les pages et la manière complexe de relier entre elles les pages successives font partie du concept de style utilisé par Heath. Si son intérêt pour le collage l'amène à façonner de grandes images à partir de plusieurs images individuelles entremêlées, son principal objectif est de juxtaposer des images placées dans un certain ordre.
Même si les journaux sont beaucoup tournés vers leur auteur, ils offrent un bon aperçu de l'histoire culturelle sur une période de quarante ans. Heath commence souvent par décrire les événements faisant l'actualité à Ryerson et dans la ville de Toronto ou ailleurs au Canada, ainsi qu'aux États-Unis, surtout à New York. Il s'intéresse en particulier au monde de l'art, aux vernissages dans les musées, aux politiques d'exposition et à l'enseignement de l'art photographique en milieu universitaire. Il éprouve à l'évidence des difficultés avec la vie qu'il a choisie et les décisions qu'il a prises et qui le guident, mais qui le hantent aussi, comme celle de résider et de travailler au Canada.
La collection de livres d'artistes créés par Heath témoigne de sa perpétuelle quête d'identité, grâce à un procédé photographique normalement associé à un photographe amateur. Heath immortalise les événements de la vie quotidienne à l'aide de son Polaroid SX-70 et, par des montages, il juxtapose des images et des textes en une suite de réflexions, d'explorations et d'interrogations sur le monde qui l'entoure et sur ses visions intérieures.
Malgré son apparente naïveté, Heath est loin d'être un photographe amateur; il se sert du média pour dégager les moments ordinaires et troublants de la vie à travers le regard d'un photographe. Heath documente inlassablement tout ce qu'il voit, puis il combine les images Polaroid avec des documents éphémères, des images provenant de sources secondaires, des réflexions et des dialogues intérieurs, des souvenirs d'activités ou le retour à un thème récurrent. Tous ces éléments forment une narration visuelle, un portrait culturel et un legs de réflexions et de questionnements.
Les journaux ne sont pas conçus comme des documents individuels; ils forment plutôt un ensemble qui se déploie dans une unité de présentation, de composition et d'allure générale. Ils ouvrent une fenêtre sur la psyché de l'artiste, mais sont d'abord conçus comme des oeuvres d'art.