Lettre autographe signée de Michel Bégon à Cabart de Villermont.
M. l'évêque de Québec arriva ici en parfaite santé; il ne m'a pas expliqué le but de son voyage. Il doit venir demain coucher à Rochefort où je le garderai quelques jours. Il a passé sur le vaisseau nommé le Saint-François qui est venu de conserve avec le Glorieux. Les deux navires ont apporté ici pour plus de quatorze cent mille livres de marchandises et ils auraient apporté davantage si on avait voulu courir de plus grands risques sur les mêmes bâtiments. Deux vaisseaux partis l'an passé dont on n'avait plus la moindre nouvelle, ont été rencontrés par ceux-ci au bas de la rivière Saint-Laurent en fort bon état ayant passé l'hiver à l'île Percée. Les deux vaisseaux arrivés ici sont partis de Québec le 13 du mois de mai. Le Saint-François y retourne dans un mois si la cour le veut bien.
J'ai vu ce matin le père Beschefer en bonne santé, ravi d'avoir des nouvelles et de voir des gens de ce pays-là, qui n'ont pas été moins ravis de le trouver ici. Le père Bigot qui lui doit succéder et les autres jésuites sont ici. Cette colonie manque de vivres mais ceux que le Roi a envoyés dès le 5 du mois passé y porteront sûrement l'abondance et les 3 vaisseaux qui sont partis l'augmenteront. M. de Frontenac m'écrit qu'il y a un mois que les Agniers qui est la nation iroquoise la plus proche des Anglais ont envoyé des députés aux sauvages de la mission du Sault près de Montréal dans laquelle ils ont plusieurs pères pour savoir d'eux si M. de Frontenac serait en disposition d'écouter des propositions de paix et pour le faire avertir de leur part de se tenir sur ses gardes parce qu'il y avait un parti de mille hommes des 4 autres nations mêlés avec quelques Anglais qui étaient en marche pour tomber sur Montréal et sur les environs.
Il s'est fort utilement servi de ces avis, les mille hommes sont venus sans aucun succès, et lorsque les vaisseaux sont partis, on espérait qu'ils seraient obligés de se retirer comme ils firent l'année dernière, M. de Frontenac jugeant pas à propos d'aller par lui-même ni par les députés dans aucune négociation mais seulement de laisser agir les sauvages avec eux, ce qui est le meilleur parti. On ne croit pas que les Anglais de Boston soient en état de rien entreprendre.