Lettre de La Galissonière au ministre concernant le pays des Illinois - doute que, dans un avenir prochain, cette région procure un revenu au roi ou assure la fortune de particuliers (son peu d'enthousiasme au sujet des mines, de la traite des pelleteries et des laines de boeuf); juge nécessaire que la Louisiane (Mississipi inférieur) tire "d'endroits plus proches que les Illinois les farines et les autres besoins de la vie"; pense tout de même qu'il faut soutenir et fortifier les établissements du pays des Illinois; d'abord, parce que "c'est une des barrières des mieux placées qu'on puisse opposer à l'ambition des Anglais pour les empêcher de pénétrer dans nos pays de traite et même au Mexique"; ensuite, parce que, bien établie, cette région permettrait à la France de former des alliances commerciales et militaires avec un grand nombre de nations indiennes, dont celles du Mississipi inférieur; si, au cours des dernières années, cette région avait compté 4 ou 500 hommes portant les armes, non seulement les postes d'Ouabache et autres n'auraient pas été inquiétés mais on aurait porté la guerre dans les plus belles colonies anglaises avec l'appui des nations mêmes qui ont insulté les Français; doute que le Canada et la Louisiane puissent rivaliser avec les colonies anglaises pour la richesse "ni même faire aucun commerce fort lucratif" car, à l'exception des pelleteries dont les profits vont en diminuant, ces deux colonies ne peuvent "presque fournir que des denrées semblables à celles d'Europe" et à des prix non compétitifs; en outre, elles n'ont "de débouché que par deux fleuves également hors de portée et d'une navigation incommode et périlleuse"; "il faut donc se réduire à cultiver le principal avantage" de la colonisation française qui est l'extrême fécondité des habitants; le Canada peut produire en assez peu de temps une si grande quantité d'hommes qu'il serait bientôt en état de faire la loi aux colonies anglaises et aux nations indiennes: la crainte suscitée par les Canadiens pourrait empêcher les Anglais d'abuser de leurs forces maritimes; il ne faut pas laisser le pays des Illinois dans l'état languissant d'aujourd'hui; si les Anglais s'emparaient de ce territoire, "la perte du Mississipi et la ruine du commerce intérieur du Canada seraient assurées et les colonies espagnoles même le Mexique en très grand danger"; pense que le Canada (non la Louisiane) doit contribuer à accroître la population des Illinois, par exemple en y envoyant deux officiers, une soixantaine de soldats ainsi qu'annuellement 12 ou 15 familles accompagnées de 30 ou 40 "sauniers"; les officiers devraient être placés sous les ordres de Bertet (son éloge); la garnison devrait éventuellement compter au moins une centaine d'hommes (désordres des coureurs de bois); il importe peu que ce soit un officier du Canada ou de la Louisiane qui y commande; il ne faut pas affermer ce poste car ce serait le ruiner; ne voit aucun inconvénient à ce que le gouverneur du Canada et celui de la Louisiane accordent des congés pour y venir en traite; recommande de consulter Hocquart sur toutes ces choses.