Lettre de Hocquart au ministre - est étonné de l'embarras que les prodigieuses dépenses "causent par rapport aux fonds de la Marine"; s'il était possible de détailler tous les mouvements exécutés, le ministre rendrait justice à son administration; les incursions des Canadiens et de leurs alliés n'ont point souffert d'interruption; si les Indiens n'avaient pas été mis sur le pied de guerre, ils auraient continué leurs liaisons avec les Anglais et se seraient finalement détachés des Français; ils ont rendu de grands services: les frontières de la Nouvelle-France ont été bien gardées tandis que celles des ennemis sont abandonnées, la terreur s'étant emparée de leurs habitants; "la vigilance du gouvernement a dispersé le seul parti considérable de Sauvages mêlés de Flamands qui ont osé s'avancer jusques dans le gouvernement de Montréal, dix de ces Sauvages ont été pris et sont dans les fers"; "les Anglais doivent envisager l'entreprise qu'ils méditent contre le Canada extrêmement difficile et hasardeuse" (détails sur leurs préparatifs); il fallait donc se préparer à recevoir l'ennemi et munir les magasins du roi des choses nécessaires; "il a été rapporté à la caisse depuis le 25 septembre jusques au 10 de ce mois pour 55 392 l. 5 s. en monnaie de cartes et pour 2 669 358 l. 8 s. de billets et d'acquits"; est au désespoir de n'avoir pu exécuter qu'en partie les ordres ministériels touchant la distribution des lettres de change cette année (ordre d'en limiter le montant); les 720 000 l. de monnaie de cartes ne pouvaient servir à l'acquittement des dépenses car "il y a déjà plusieurs années qu'elles ont été employées pour celles des anciens exercices"; a dû, pour soutenir le crédit de cette monnaie, faire payer en lettres de change "la valeur de celle qui a rentré"; n'a pu se dispenser de racheter de la même façon les billets rapportés; s'il avait agi autrement, "tout le crédit aurait cessé" immédiatement et il ne lui serait resté "aucun moyen de faire le service"; a consulté La Galissonière, Varin et Michel de La Rouvillière et tous ont vu "les fâcheuses conséquences qui résulteraient du discrédit sur le papier" (cartes, billets) s'il se conformait strictement aux ordres du ministre; a cependant pris le parti d'éloigner le plus possible les échéances des lettres de change mais cette mesure a grandement inquiété les négociants: "plusieurs se sont imaginés que les lettres tirées sur la Compagnie des Indes étaient plus sûres et ont fait des négociations usuraires pour en avoir par préférence", d'autres ont réalisé tout de suite leurs lettres de change en pelleteries quitte à perdre 15 ou 20% dans l'opération, les marchandises de France ont de nouveau augmenté; il faut que le ministre rassure le public (les commerçants) sur le paiement des lettres de change à leur échéance; si les armateurs de La Rochelle et des autres villes maritimes "viennent à avoir de la défiance, il est sûr qu'ils n'enverront point de vaisseaux l'année prochaine ou du moins très peu"; or, "le pays n'est pas assez fourni de marchandises sèches et surtout de draperies (perte des vaisseaux l'Alexandre, le Thésée et le Fortuné)" et de liqueurs pour pouvoir se passer longtemps de secours (prix du vin); "les magasins du roi sont bien munis mais il leur faut un supplément et un assortiment" (détails); n'a pu faire vendre toute la cargaison du Blankfort pour remplir la caisse (raisons); Beauharnois s'est embarqué sur le Northumberland (regrets exprimés à propos de son départ, sa bonté, sa générosité); La Galissonière, qui a acheté une grande partie des meubles de celui-ci, est vu "comme un homme éclairé, juste, zélé pour le service du roi et grand amateur du bien public".