Lettre de Frontenac au ministre - sa traversée de France au Canada a été heureuse, même s'il a failli faire naufrage dans la baie Saint-Marie; pertes subies par Frontenac et par les gens de la colonie dans la prise de la Plume d'Or par les corsaires (Grignon mérite punition); les Canadiens demandent qu'on abolisse la coutume de faire payer le fret par avance, afin d'empêcher que les marchands ne réalisent des profits avec la perte de leurs vaisseaux (manoeuvres de La Chesnaye, associé de Grignon); ils demandent aussi qu'on les exempte de tous les droits qui se payent sur les boissons et autres marchandises "qui viennent ici à la sortie de La Rochelle"; la colonie est "moins sauvage" qu'il ne le pensait, elle renferme des "trésors cachés" et, si on continue de l'aider, "on y découvrira tous les jours de nouvelles choses à faire" et l'on y établira plusieurs commerces durables; la ville de Québec est magnifiquement située "quand elle devrait devenir un jour la capitale d'un grand empire": ne plus laisser bâtir les maisons "à la fantaisie des particuliers et sans aucun ordre"; le magasin du roi et la brasserie joignent "la magnificence à la commodité": la bière est très bonne, mais il faudrait en baisser le prix de 25 l. la barrique à 15 l.; le vaisseau qu'on bâtit paraît très bien fait et pourrait être terminé l'an prochain; suggère d'abandonner le projet de Talon d'en construire un de 800 tonneaux, vu "la cherté et la rareté d'ouvriers": ces vaisseaux coûtent plus cher à construire qu'en France; envoyer des ouvriers, des engagés et des filles à marier: dans les lieux éloignés, "les femmes sont bien aises d'avoir plusieurs maris, lorsque les hommes ne trouvent pas à avoir seulement une femme"; ne croit pas que "les habitations des côtes de l'île d'Orléans, de Beaupré et de Beauport, qui sont le plus habitées, soient trop éloignées les unes des autres": cependant, de lieue et demie en lieue et demie, on aurait pu laisser une certaine quantité de terres, sans les concéder à personne, pour que les enfants des habitants et d'autres colons puissent s'y installer plus tard et y former des villages; a visité la concession de Denys de La Ronde: peu à peu on pourra établir des pêches sédentaires de l'île Percée jusqu'à Tadoussac; a vu des endroits admirables pour "ces sortes de pêches et pour celles du saumon et même de la baleine"; crainte des Canadiens de se lancer dans de telles entreprises; multiplication des bestiaux; la région de Trois-Rivières est fort propre à nourrir des brebis; on y trouve de très bonnes mines de fer: travaux effectués par les mineurs, projet d'y établir une forge (avantages prévus); la colonie commence à produire trop de denrées: "si les habitants n'ont le débit, il est à craindre qu'ils négligent la culture des terres, ne trouvant point à vendre leur blé"; il est heureux que les grandes pluies de cette année aient diminué l'abondance de la récolte; pour assurer le débit des denrées, il faudrait établir puissamment le commerce avec les Îles (deux vaisseaux y sont allés), envoyer du monde pour peupler la colonie et même quelques troupes pour contenir les Iroquois et les autres Indiens dans leur devoir; le nombre de coureurs de bois augmente tous les jours: ils sont insolents et menacent de poursuivre leur commerce avec Manate et Orange qu'ils ont commencé l'année dernière; n'a pas les moyens d'exécuter les ordres du roi sans armes, "sans troupes, sans aucunes munitions de guerre ni de bouches", sans chaloupe ou autre bâtiment valable à sa disposition; a proposé à Talon la construction d'un petit brigantin pour visiter les côtes depuis Tadoussac jusqu'à Montréal; ne peut visiter l'Acadie sans avoir un bâtiment d'au moins cent tonneaux; demande des troupes pour ne plus avoir à craindre les incursions des Iroquois qui peuvent rompre la paix au moindre prétexte et pour les employer à divers ouvrages (fortifications, communication avec l'Acadie); projet d'établir un poste sur le lac Ontario "pour empêcher les Iroquois de porter aux Hollandais les pelleteries qu'ils vont chercher chez les Outaouais"; s'appliquera "à faire faire l'exercice aux habitants, et à les régler les mettre en compagnies": a peu de confiance dans une telle milice; les soldats recrutés ne coûteraient guère plus cher au Canada qu'en France: leur donner leur argent et les payer par prêts au lieu de les entretenir afin que la colonie puisse profiter de leurs achats; pénurie de sel cette année; recommande les sieurs Chambly, Verchères et Godefroy aux faveurs du roi; d'autres officiers établis au pays espèrent mériter quelque considération: le retard de Talon à leur donner leurs contrats a tempéré leur zèle pour "accommoder leurs habitations"; envoi de provisions à Grandfontaine en Acadie sur la barque la Suisse; Marson a été envoyé au fort Jemseg pour mettre fin à sa querelle avec Grandfontaine; Jolliet est parti à la découverte de la mer du Sud: il a promis de voir l'embouchure du Mississipi; on a expédié des canots pour la mine de cuivre du lac Supérieur: celle-ci ne pourra être d'une grande utilité vu son éloignement; espère qu'on lui permettra de distribuer seul tous les congés et passeports; les pouvoirs exercés par Talon (justice, concession de terres...) ont grugé ceux du gouverneur et du Conseil souverain: nécessité de régler ces choses et si possible lui accorder plus d'autorité que n'en a eu M. de Courcelle; opposition de Frontenac, des habitants et des marchands forains à la demande de Bazire, commis de la compagnie, de pouvoir visiter les pelleteries dans les maisons et d'obliger les détenteurs d'en faire une déclaration précise et de les faire marquer du sceau de la compagnie: intervention de Talon favorable à Bazire, manoeuvres de ce dernier pour s'attirer à lui seul tout le négoce (influence de son beau-père Macard); Bazire prétend que la traite de Tadoussac s'étend jusqu'à la baie d'Hudson et veut interdire aux habitants le trafic au lac Saint-Jean: lui a accordé un passeport pour cette année et a obligé le jésuite Crespieul de s'y faire comprendre; Frontenac est étonné de voir qu'à "Notre Dame de Foy" il n'y a pas un Indien qui parle français; a exhorté les Jésuites et les Sulpiciens (Kenté) à sédentariser et à franciser les Indiens; mais les Jésuites "songent autant à la conversion du castor qu'à celle des âmes" et la "plupart de leurs missions sont de pures moqueries"; les Jésuites sont les maîtres de ce qui regarde le spirituel, tenant dans une entière dépendance les prêtres du séminaire de Québec, le grand vicaire de l'évêque et probablement aussi le gardien des Récollets qui n'a pas plus de trois ou quatre religieux dans son couvent; nécessité d'avoir des Récollets habiles et talentueux; compte rendu de l'assemblée du clergé, de la noblesse, de la justice et du Tiers-État convoquée par lui pour faire prêter un nouveau serment de fidélité au roi; requête de Paget et d'autres créanciers de La Rochelle pour se faire payer ce qui leur est dû par la Communauté des Habitants: les Canadiens se plaignent que le droit de dix pour cent se lève toujours sans que leur dette ne diminue; ils se plaignent aussi de ce que M. de Villeray veut exiger un droit de cinq pour cent sur toutes les marchandises sèches; est d'avis de ne pas accorder la charge de procureur général du Conseil souverain à Villeray qui est tout dévoué aux Jésuites; Courcelle part estimé et regretté de tout le monde; étendue de la juridiction du lieutenant général de Trois-Rivières; "pitoyable état du logement du château et fort de Québec"; ordonner au médecin Bonamour de revenir au Canada ou envoyer quelqu'un le remplacer, pour ne pas laisser la colonie sans médecin; beaucoup de personnes vont en France mais la plupart reviennent au Canada après avoir vendu leurs biens; ceux qui restent en France sont des gens inutiles et à charge à la colonie.