Le Président du Conseil de Marine à M. Bigot. A appris avec plaisir l'heureuse arrivée à Québec de la plus grande partie des bâtiments du munitionnaire et des flutes L'Atalante, La Pomone, L'Améline et La Marie. Lui a fait connaître les raisons qui l'avait empêché de faire passer de plus grand secours. Ne lui répondra pas en détail aux observations qu'il a faites pour se justifier des dépenses excessives qui ont été faites, sa mauvaise administration est suffisamment prouvée par ses propres lettres. Il est constamment vrai que les dépenses sont immenses, qu'il en ignore le véritable emploi, qu'il les paie sans examen, qu'il suit si peu les opérations de dépense que, lorsqu'elles sont faites, il en ignore encore la moitié, et, qu'après qu'elles sont faites, il trouve une erreur dans sa caisse de 3,600,000 livres. Peut-on imaginer un plus grand désordre et peut-on concevoir qu'un intendant ne connaisse pas sa situation dans des parties aussi considérables? Il n'est pas moins vrai, et sa réponse le confirme, qu'il a acheté pour 812,000 livres le ¼ ou le 1/3 d'un chargement dont il pouvait avoir la totalité pour 800,000 et sur le restant duquel le munitionnaire qui l'a acheté a gagné plus d'un million. Quelle différence pour les intérêts du roi de la perte au gain pour une pareille opération! C'est inutilement qu'il prétend justifier par la voie du commerce les fortunes qui se sont faites en Canada. Le commerce est défendu à toutes les personnes en place; elles ne sont préposées que pour le protéger et non pour le faire, même celui qui est le plus légitime, à plus forte raison doivent-elles s'abstenir d'un commerce de concession et de monopole qu'elles auraient dû empêcher de tout leur pouvoir. Depuis 3 ou 4 ans y a t-il en Canada la moindre liberté de commerce qui puisse le rendre légitime? N'a entendu et n'a vu, par les lettres qu'il a reçues, qu'un agiotage continuel de denrées et d'effets où, celui qui les vend au roi ou aux particuliers de la denière main, les vend dix fois plus qu'ils n'ont coutés en France. Dans le premier cas, quelle infidélité dans l'administration par la dépense énorme qu'on fait faire au roi? Et dans le second, quelle concession à l'égard d'un peuple déjà assez malheureux par la guerre? Ainsi, il n'est pas question de l'observation déplacée qu'il fait en disant que les gentilshommes mêmes peuvent faire le commerce en Canada. Ce qu'il y a de certain, c'est que, de quelque manière qu'on envisage celui qui se fait dans cette colonie depuis la guerre, on ne peut le regarder que comme criminel pour tous ceux qui y ont eu part et pour ceux qui l'ont favorisé ou même toléré, et surtout pour les personnes employées au service, et il serait bien fâcheux si les chefs de la colonie en avaient donné la permission ou l'exemple. Voilà, des articles bien importants de son adminstration ou soupçonnés, ou négligés, ou mal aperçus et bien capables d'exciter ses regrets sur tout ce qui s'est passé jusqu'à présent. En est suffisamment averti par les lettres qu'il lui a écrites cette année. L'exhorte, pour la dernière fois, à y porter une sérieuse attention, parce qu'ils n'échapperont pas à la sienne. (De la main du ministre).