Mémoire présenté au comte de Pontchartrain contre le rétablissement des congés, et réponses en marge de MM. de Vaudreuil, Raudot et Raudot. Mémoire. Espère qu'on ne rétablira pas les congés qui ont été la source de maux, de dérèglements, du funeste trafic de l'eau-de-vie et de la stagnation de l'agriculture, contrairement au but de l'établissement de cette colonie, qui était d'humaniser et d'évangéliser les sauvages. Cette suppression des congés, à part les excès auxquels ils donnaient lieu, avait aussi pour but de relever le prix du castor, dont l'abondance causait l'avilissement du prix et provoqua l'abandon de la ferme. Il vaut mieux laisser les sauvages venir trafiquer à Montréal, car les frais de transport dans l'ouest élèvent tellement le prix des marchandises, que cela détermine ces sauvages à aller s'en procurer chez les Anglais. Les Anglais, depuis plusieurs années, ne souffrent pas que leurs gens aillent commercer au loin. C'est parce que M. de la Barre a agi autrement, que les Français eurent une guerre de 14 ans avec les Iroquois. Réponse. Conviennent de tous les maux et désordres dont se plaint le mémoire, mais ce n'est pas à proprement parler aux congés qu'il faut les attribuer, mais à la manière de les exploiter. Ils peuvent au contraire favoriser la conversion des sauvages, l'augmentation de la colonie et la conservation de la paix. Le tout est d'empêcher le commerce de l'eau-de-vie. Moyens à cet effet. C'est le nombre infini des congés, le haut prix du castor et l'acceptation de toute la production par le bureau de Québec, qui a été cause de la surabondance de cet article et de l'avilissement du prix. C'est la vue des marchandises qui crée la demande et fait naître le besoin, et il n'est pas raisonnable de dire que les sauvages feront trois ou quatre cents lieues pour se les procurer à meilleur marché chez les Anglais. Tout au contraire, c'est ce qui éloignera les sauvages des Anglais, car, s'ils n'avaient que le choix entre Montréal et Orange, ils iraient de préférence à ce dernier endroit, les marchandises y étant moins chères. La guerre de 14 ans avec les Iroquois n'est pas due aux congés, mais à la folle idée de M. de La Barre de permettre aux Iroquois de piller les Français, qui n'en avaient pas, et de vouloir les punir ensuite pour avoir fait ce qu'il leur avait permis de faire. Les Anglais, il est vrai, ne se mêlent point des affaires des sauvages; ils aiment mieux les laisser s'entre détruire, mais aussi ils n'en sont pas aimés et sont sans influence sur eux. Nous agissons autrement, et c'est ce qui fait notre force. Nous maintenons la paix dans tout l'ouest. Si Michilimakinak avait été rétabli, les Saulteux n'auraient pas frappé les Poutouatamis et coupé les oreilles à des Iroquois, ce qui a failli et peut encore nous amener la guerre. Ce qui retient l'Iroquois de frapper coup sur aucune des tribus sauvages c'est qu'il sait que, par nos efforts, il n'aurait pas l'avantage de détruire ces nations une à une comme il le faisait autrefois, mais qu'il les aurait toutes sur le dos à la fois.