St-Laurent, Louis S. (Louis Stephen), 1882-1973 : Premier ministre du Canada (1948-1957)
Louis-Stephen St-Laurent (baptisé Louis-Étienne) est né à Compton (Québec), le 1er février 1882, d'un père canadien-français et d'une mère irlando-canadienne. Il fait ses études au Séminaire Saint-Charles-Borromée, à Sherbrooke, puis il étudie le droit à l'Université Laval. Après avoir obtenu son diplôme et terminé bon premier de sa cohorte en 1905, il refuse une bourse de la fondation Cecil Rhodes.
St-Laurent exerce le droit à Québec et enseigne à l'Université Laval. Il se bâtit une réputation nationale qui incite le premier ministre Arthur Meighen à lui offrir un poste au Cabinet en 1926, puis un siège à la Cour suprême, mais St-Laurent décline les deux offres. Il est successivement bâtonnier du Barreau du Québec (1929), président de l'Association du Barreau canadien (de 1930 à 1932) et conseiller juridique de la Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces (de 1937 à 1940).
À la fin de 1941, St-Laurent accepte l'offre du premier ministre Mackenzie King et devient ministre de la Justice. Il est élu au Parlement au mois de février suivant dans la circonscription de Québec-Est. À titre de confident et lieutenant au Québec du premier ministre, il appuie l'adoption de la conscription (1944) et représente le Canada aux conférences menant à la fondation du Fonds monétaire international (1944) et des Nations Unies (1945). Sur le plan intérieur, il appuie les vastes projets de protection sociale du gouvernement qui jettent les bases du Canada moderne. En 1946, St-Laurent ajoute le poste de secrétaire d'État aux Affaires extérieures à son poste de ministre de la Justice. Il dirige alors les négociations qui amènent Terre-Neuve à intégrer la Confédération en 1949.
St-Laurent succède à Mackenzie King comme chef du Parti libéral et premier ministre en 1948. Il remporte la majorité aux élections fédérales de 1949 et 1953.
À titre de premier ministre, St-Laurent plaide pour la création de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (1949) et fait entrer le Canada dans la guerre de Corée (1950). En 1957, il demande à son ministre des Affaires étrangères, Lester B. Pearson, d'aider à résoudre la crise du canal de Suez. Sur le plan intérieur, il supervise l'expansion des programmes de protection sociale, notamment en ce qui concerne les soins de santé, les pensions de vieillesse et les allocations d'invalidité. Il lance la construction de la route transcanadienne (1949), de la voie maritime du Saint-Laurent (1954) et du pipeline de Trans-Canada (1956); modifie la Loi sur l'immigration (1952); crée le Conseil des Arts du Canada (1956); et institue la politique de péréquation entre les provinces (1956) ainsi que les régimes enregistrés d'épargne-retraite (1957). Pour accroître l'autonomie du Canada, il abolit la pratique qui consiste à porter des causes juridiques canadiennes en appel devant le Conseil privé de Londres (1949) et conseille à la reine de nommer Vincent Massey comme premier gouverneur général né au Canada (1952).
Peu après sa défaite aux élections fédérales de 1957, St-Laurent se retire pour pratiquer le droit à Québec.
St-Laurent est nommé Compagnon de l'Ordre du Canada en 1967. Il a épousé Jeanne Renault en 1908. Il est décédé le 25 juillet 1973 et est enterré au cimetière Saint-Thomas-d'Aquin, à Compton (Québec).
St-Laurent adopte les opinions racistes et homophobes courantes à son époque. À titre de ministre de la Justice, il supervise l'internement des Canadiens d'origine japonaise et italienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Après la découverte d'un réseau d'espionnage soviétique au Canada en 1945, il supervise des enquêtes sur la loyauté des Canadiens. Les enquêteurs s'intéressent d'abord aux convictions politiques, mais à la fin des années 1950 et au début des années 1960, les membres de la communauté 2SLGBTQI sont activement exclus de la fonction publique fédérale et de l'armée canadienne.
St-Laurent tente de modifier le racisme systémique des pratiques du gouvernement fédéral qui provoque des traumatismes persistants chez les peuples autochtones, ceux-ci étant arrachés à leurs terres, privés de leurs droits et victimes d'exclusion. Plus précisément, il est guidé par le rapport du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la Loi sur les Indiens (1948). Ses modifications à la Loi (1951) abolissent l'interdiction des cérémonies comme le potlatch, permettent aux bandes de revendiquer des territoires, augmentent les pouvoirs des chefs et des conseils de bande et redéfinissent les personnes visées par la Loi. Par contre, d'autres recommandations, comme l'accord du droit de vote aux Premières Nations lors des élections fédérales, ne sont pas appliquées. La Loi établit également le fondement juridique utilisé pour justifier le retrait des enfants autochtones de leur foyer et leur adoption par des familles de colons au Canada et à l'étranger, dans le cadre de la « rafle des années 1960 ». De plus, les pensionnats et les externats autochtones poursuivent leurs activités.
En 1950, les Inuit obtiennent le droit de vote aux élections fédérales et St-Laurent crée le ministère des Affaires du Nord canadien et des Ressources nationales (1953), responsable de l'Arctique. Cette année-là, pour renforcer la souveraineté canadienne dans l'Arctique, des familles inuit d'Inukjuak (Port Harrison, au Québec) et de Mittimatalik (Pond Inlet, au Nunavut) sont réinstallées sur les îles d'Ellesmere et de Cornwallis. Dans les années 1950 et 1960, des milliers d'Inuit atteints de la tuberculose sont transportés dans des hôpitaux du sud du Canada. Beaucoup d'entre eux succombent à leur maladie, mais leurs familles n'en sont pas informées.
Les dommages causés par les politiques et les mesures en place pendant le mandat de St-Laurent ont été reconnus ces dernières années. Des excuses ont été formulées par le premier ministre en fonction pour l'internement des Canadiens d'origine japonaise (1998), les pensionnats (2008 et 2017), les mauvais traitements infligés aux membres de la communauté 2SLGBTQI (2017), la façon dont les Inuit ont été traités pour la tuberculose (2019) et l'internement des Italo-Canadiens (2021).
En 1996, le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones conclut que le gouvernement doit des excuses officielles aux Inuit pour les avoir déplacés dans l'Extrême-Arctique sans leur consentement. En 1996, le gouvernement fédéral établit une entente de réconciliation assortie d'un fonds de 10 millions de dollars. En 2010, le ministre fédéral des Affaires indiennes et du Développement du Nord présente des excuses officielles.
En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada estime que le système des pensionnats correspondait à un génocide culturel. En 2017, la Cour supérieure de l'Ontario juge que le Canada a manqué à son devoir de diligence envers les enfants adoptés dans le cadre de la rafle des années 1960. Le gouvernement fédéral conclut ensuite un accord d'indemnisation d'une valeur de 800 millions de dollars.